Essai réalisé en mai 2016 pour le magazine
Cet essai était exclusivement disponible dans le magazine de l'été dernier consacré aux sportives françaises au côté d'une autre rareté, la Renault Clio R.S.16. Une interview de Peugeot Sport à lire ici fut réalisée en même temps. J'ai fait le choix de laisser le texte tel quel même si, depuis, nous avons eu la triste confirmation qu'il n'y aurait pas de passage en série...
Un après-midi, je reçois un coup de fil de Benoît : « Tu es dispo le 4 mai ? On essaye la 308 R ». Un peu, que je le suis, chef ! Rendez-vous à 9 h aux circuits de la Ferté Gaucher où le camion banalisé transportant les deux 308 R Hybrid nous attend. Je précise les deux, car il y a deux exemplaires. Le proto blanc servant aux essais et le show car bleu exposé dans les salons. C’est d’ailleurs dans le proto (alors rouge) qu’avait été pris en photo Carlos Tavares. Espérons qu’il ait été conquis, puisque c’est à lui que revient la décision finale de commercialiser ou non cette super 308. Quelle que soit sa décision, il faudra deux ans aux ingénieurs pour transformer le concept car en véhicule de série. En cause les éléments de sécurité, car à part quelques détails techniques à améliorer, c’est sacrément au point !
Déjà deux ans !
Le développement a débuté en avril 2014 et la 308 R Hybrid a démarré, pour la première fois, en janvier 2015. Peugeot Sport ayant déjà travaillé dans l’hybridation sportive pour la compétition, l’équipe de Vélizy ne part pas de zéro. De même, dans le cas où la R Hybrid ne serait jamais homologuée, il est acté chez PSA que la solution utilisée est la bonne et qu’elle sera employée plus tard dans la gamme. Pour mener à bien sa mission, la division sportive s’est entourée de Bosch et de Saft, société française spécialisée dans les batteries lithium-ion.
Comment ça marche ?
La batterie de 60 kg est logée à la place du réservoir, lui-même repositionné dans le soubassement du coffre. Les dimensions du coffre équivalent à celles d’une 308 équipée d’une roue de secours homogène. L’ensemble de l’hybridation se traduit par la présence, en plus du bloc 1,6 l THP 272 de la GTi, de deux moteurs de 30 kg chacun (l’un se situe à l’avant, au plus près des roues pour une recharge optimisée, et l’autre à l’arrière), des inverters, et par une adaptation du train arrière. Pour des raisons de simplicité, la sortie d’échappement est placée au milieu, sous la voiture.
En pure électrique, l’autonomie est de 15 km, à condition de rester raisonnable sur l’accélérateur, et la vitesse maximale est de 110 km/h. La puissance délivrée grimpe à 230 chevaux. En tout, quatre modes de conduite sont disponibles. Il y a d’abord le bouton bleu remplaçant le Sport de la GTi qui permet de passer du mode électrique à l’hybride. Ce mode sert également à la recharge de la batterie en roulant, en utilisant notamment le lever de pied. Sur un tour de circuit, plus de 15 % de la batterie est rechargée ! Le mode hybride a aussi pour avantage d’effacer le temps de réponse du turbo.
C’est une fois ce mode enclenché que l’on peut passer au mode Sport, dès lors que la batterie est suffisamment chaude. La puissance peut atteindre alors 400 chevaux et le couple 500 Nm. Ce système s’inspire du KERS pour sauvegarder la batterie. Cette dernière n’est sollicitée à son maximum que lorsque la machine détecte que cela est nécessaire. Enfin, le mode Launch offre les 500 chevaux et 700 Nm effectifs pour les départs-arrêtés. Aucune manipulation n’est à faire, l’accélérateur gère tout lui-même. Son fonctionnement a été pensé pour ne pas endommager l’embrayage et le démarrage s’effectue en seconde.
Un petit détail amusant pour conclure ce paragraphe. Pour refroidir la batterie, il suffit d’allumer à fond la climatisation !
Différences entre prototype et show car
Le prototype a été pesé à 1 535 kg (soit moins que la dernière Ford Focus RS !). Ils ont depuis gagné 20 kg sur la chaîne de transmission. Cela devrait permettre de tenir l’ambition de ne pas dépasser le poids de la 308 GTi de plus de 200 kg. De l’autre côté, l’hybride bleue n’est pas du tout optimisée en poids et pèse 1 670 kg. Elle dispose de deux baquets à l’avant et à l’arrière, mais surtout d’une carrosserie totalement repensée et spécifique, en plus de la teinte Coupe Franche Bleu/Noir que l'on devrait retrouver sur la 308 GTi.
Un saut dans le futur
Une fois les modes de conduite expliqués, nous débutons par un baptême en passager. Déjà plus qu’honnêtes en mode hybride, les performances deviennent stratosphériques en Sport. Arrive ensuite mon tour de manège. Volant en mains, on se prend rapidement au jeu et, après une courte période d’observation, on n’hésite plus à voir ce que la Peugeot a dans le ventre. Et là, deux constats s’imposent. En dehors d’une Venturi (la 400-GT, au hasard), je ne vois aucune voiture française capable de telles prouesses. Mais, le plus important de tout, on oublie qu’on pilote un concept et on s’imagine parfaitement rentrer à la maison avec…
Campés dans les baquets du RCZ R, on n’est pas dépaysé par rapport à la 308 GTi si ce n’est qu’il faut oublier le levier de vitesse. La boîte n’est autre que celle de la GTi, à laquelle Peugeot Sport a ajouté un robot. L’étagement a été conservé tel quel. Comparativement aux classiques boîtes robotisées à simple embrayage, celle-ci ne souffre pas d’à-coups du fait du moteur électrique qui comble les pertes de charge. Pour autant, ce n’est pas une lisse double embrayage à la conduite, chaque changement de rapport délivrant sa dose de sensations. Le bruit de l’échappement est omniprésent et peut être une voie à suivre pour l’avenir afin d’éviter tout rajout sonore factice, comme c’est le cas sur le mode Sport de la GTi.
Pour être clair, ça pousse fort, très fort. Mais pas seulement. Les voies sont élargies de 80 mm. Puis, le rajout de poids, s’il se fait ressentir par moments avec un léger sous-virage et a conduit à une recalibration des lois d’amortissement, a aussi un double effet bénéfique. En premier lieu sur la répartition des masses qui passe à 54/46 sur l’avant et, ensuite, sur le plan dynamique où la 308 est plus tassée de l’arrière. Une tendance survireuse est d’ailleurs palpable si le conducteur désire faire enrouler l’arrière-train.
Mais plus ça va vite et plus on a besoin d’un freinage impérial. Sur ce point, il n’y a aucune crainte à avoir. Partagés à l’identique avec la GTi 270, Peugeot Sport a même constaté que les freins étaient, grâce à l’électrique, moins sollicités que sur leur sportive thermique, déjà redoutables d’efficacité. Cela promet une belle endurance et il y a des chances d’être d’abord trahi par les pneus…
Quatre roues motrices, en détail
En charge partielle et en hybride, la 308 R Hybrid est une traction. Ce n’est que lorsque beaucoup de puissance est requise que l’on passe en quatre roues motrices. Les axes d’amélioration que souhaite l’équipe de développement concernent plusieurs points. Il n’y a pour le moment pas de possibilité de faire varier en temps réel le couple entre les deux essieux comme cela peut être le cas sur une transmission intégrale conventionnelle. Très en vogue, le Torque Vectoring est également absent. Pour autant, l’ensemble est particulièrement efficace et ces deux caractéristiques ne doivent en aucun cas être un motif d’annulation ou de report du projet. Une fois qu’on a goûté à ce joujou, on n’a qu’une envie : rouler avec et sur route, tant qu’à faire.
Pas de retour en arrière possible…
L’espace d’une matinée, j’ai aperçu le futur de la voiture de sport. Transposée dans une compacte, Peugeot Sport démontre que cette technique n’est pas limitée aux quelques hypercars à un million d’euros. Il n’y a plus qu’à patienter jusqu’à la validation de ce projet pour pouvoir un jour le croiser sur nos routes. Le constructeur est allé trop loin pour faire machine arrière…
Crédit photos : Etienne Rovillé et Julien Fautrat pour la Revue Automobile
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