Le cerveau humain est composé, pour la plupart des bipèdes que nous sommes, de 100 000 milliards de neurones. Un capital qui permet de faire la connexion dans notre système nerveux. Si nous pouvons, de façon naturelle, tirer un trait sur 10 000 d’entre eux chaque jour, certains facteurs extérieurs, comme les psychotropes, accélèrent le phénomène. Et puis il y a la Mercedes-AMG E63 S, particulièrement toxique.
Une hiérarchie bouleversée :
La nouvelle bombe sortie d’Affalterbach, où siègent de doux dingues, perpétue une tradition initiée depuis les débuts d’AMG : en 1971, le préparateur a transformé une 300 SEL, une sage limousine qui n’avait rien demandé, en une bête de course. S’en est suivi une longue lignée de berlines sportives au caractère trempé, dont la célèbre 300 E Hammer, qui n’avaient pas pour vocation de préserver votre réputation de père de famille tranquille.
Pourtant, le pôle sportif du constructeur à l’étoile, conditionné par les mœurs actuelles, risquait bien de trahir cette dynastie avec la nouvelle Mercedes-AMG E63 : connue pour faire fumer ses pneus, la berline sportive adopte désormais la transmission intégrale 4Matic. Un dispositif qui, sur le papier, aiderait à conserver quelques connexions biologiques, mais pas à vous rendre hystérique.
German Muscle Car :
Je commence donc mon essai sans appréhension, en me disant que mon capital neurologique va sûrement se réduire par une exposition prolongée à la sonorité de chalutier de la berline, qui varie du doux ronronnement en mode confort au hurlement caractéristique avec les valves ouvertes du mode Sport+. Rien de dangereux, avec le Dynamic Select qui permet de configurer l’ensemble des éléments paramétrables sur le mode Confort, et profiter ainsi d’une sage routière capable de rouler de façon semi-autonome et sur 4 cylindres à faible charge. En revanche, la réserve de puissance, perceptible mais bien en cage, ronge petit à petit mon système nerveux.
Et pour cause, puisque sous le capot, la E63 embarque le V8 4,0 litres biturbo (qui souffle à 21,8 psi dans la S et 18,9 sur la version normale), dans une configuration revue à 612 ch de 5 750 à 6 500 tr/min, et 850 Nm de couple, disponibles entre 2 500 et 4 500 tr/min, soit plus que le porte-étendard de la marque, la Mercedes-AMG GT R. Une berline, plus puissante qu’une GT ! L’appel de la pédale se fait donc plus fort que ma raison, cette dernière m’ordonnant de faire défiler les modes pour appréhender la route en Sport +.
Des accélérations balistiques :
Placée sur le Launch Control, qui soustrait encore quelques neurones, la Teutonne catapulte le 0-100 km/h en 3,4 secondes et le 400 mètres D.A. en 11,42 secondes, ce qui en fait la berline la plus performante du moment. Mais elle se distingue surtout par sa facilité à aller chercher la vitesse maximale de 250 km/h (260 km/h affichés sur le large écran). J’ai rarement vu une voiture faire étalage d’un tel punch et d’un tel appétit pour aller bloquer l’aiguille du tachymètre. L’option qui relève la bride à 300 km/h ne sera pas du luxe.
Avec le mode manuel on se retrouve vite aux 7 000 tr/min, le régime maximum du moteur. Le mode automatique est plus adapté à l’exercice, avec une unité rapide à la montée, mais un peu lente lorsqu’il s’agit de tomber des rapports pour les reprises. Cela ne l’empêche pas toutefois de dégommer le 80-120 en moins de 3,0 secondes en quatrième. Avec de telle mises en vitesse, le freinage en carbone-céramique pourrait être d’une grande utilité, mais le système fourni de série n’essuie pas de critiques. Toujours puissant et relativement endurant, il ne cède pas sous le poids de l’engin. Nous regretterons toutefois la course de la pédale de frein étonnamment longue et un train arrière qui se dandine sur les gros freinages.
Ça glisse à la demande :
La transmission intelligente, elle, répartit le couple efficacement entre les quatre roues pour assurer du grip dans la majorité des situations et garantir la meilleure des relances en sortie de virage. Dommage que la direction muette ne permette pas d’appréhender ce qu’il se passe sous les Michelin Pilot Super Sport, écrasés par les 1 880 kg (à vide) de l’engin, mais le comportement à peine teinté de sous-virage met directement en confiance et communique assez bien avec le conducteur. Avec l’ESP réglé sur le mode sport, et un peu de volonté, il est possible de faire glisser l’arrière pour dessiner quelques bananes sur la chaussée et, sans contrôle nerveux, une autre sur votre visage.
Les ingénieurs d’AMG n’ont cependant pas oublié les acrobates de la route, ceux qui envisagent une parabole avec le volant tourné dans le sens inverse. Alors que d’autres machines embarquent un dispositif similaire, parfois virtuel dans le cas de la Ford Focus RS, ou plus évolué comme sur la Ferrari 458 Speciale, l’Allemande adopte une configuration relativement simple : le mode Drift permet de déconnecter la transmission aux roues avant et d’envoyer la totalité de la puissance à l’arrière, voire un peu plus sur la roue extérieure afin de favoriser la mise en équerre grâce au différentiel électronique (mécanique sur les versions normales).
La E63 S 2Matic :
La procédure d’activation est aussi annonciatrice, comme si l’on exécutait une tâche interdite, où chaque étape extermine ce qu’il reste de neurones : mode Race engagé, boîte sur le mode manuel, ESP désactivé et après cinq secondes à presser les deux palettes, l’ordinateur demande de confirmer l’activation du mode Drift.
J’utilise donc ce qu'il me reste dans la caboche pour prendre en main une Mercedes-AMG E63 S libérée. La berline fait montre d’une certaine facilité à prendre de l’angle et les reprises de grip sont exécutées avec progressivité. Ainsi, dans les nombreux cas où j’ai fait preuve d’optimisme, les coups de raquette n’ont jamais été d’une extrême violence. La berline allemande est aussi joueuse que la Cadillac CTS-V, tout en étant moins excitée, plus prévenante. Si la programmation 4Matic vous autorise à rouler comme un marteau, les deux seules roues arrière motrices réclament un peu plus de finesse : ce mode de conduite, bassement puéril, n’est disponible qu’avec le mode Race, à la commande d’accélérateur trop sensible et au tempérament moteur brutal.
Le compromis sans compromis :
La Mercedes-AMG E63 S est parfaitement stupéfiante. Par ses prestations aux antipodes, réunies dans une grosse berline presque sage sur le plan cosmétique, mais aussi par ses effets sur le conducteur, transformant le père de famille tranquille en un être décérébré hilare derrière le volant. Ce cocktail, bourré de compromis, ne fait aucun sacrifice, à l’exception de votre système nerveux. Sa facilité à tout faire, sans raccourcis électroniques, notamment des choses qui paraissent interdites, se révèle un vrai pousse-au-crime.
En attendant la prochaine BMW M5, la Mercedes-AMG E63 S est la berline la plus performante. Elle terrasse même la Cadillac CTS-V au chapitre des accélérations (320 km/h pour la CTS-V, tout de même) et, y compris en mode propulsion, elle s’avère bien plus rassurante que l’Américaine, qui s’est montrée très pointue lors de notre essai. Forcément, la Mercedes sera plus onéreuse (près de 130 000 euros), mais elle est largement plus polyvalente et bien plus exploitable. Prévoyez toutefois un budget carburant et pneus important, ainsi qu’un pécule pour quelques cures nécessaires.
Note : 16/20
Bien vu :
- Le V8 explosif
- Puissance du freinage
- Transmission rassurante
À revoir :
- Le poids au-dessus de la physique
- Direction avare en informations
- Style sage et déjà-vu
Crédit photo : Soufyane benhammouda/La Revue Automobile et Mercedes-AMG
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