L interview de frank margerin sur le salon de la moto a paris

La Revue Automobile (LRA)
Frank, comment t’es venu l’idée du personnage de Lucien ?

Frank Margerin (FM)
Au départ je travaillais pour le magazine Métal Hurlant (magazine français de bande dessinée de science-fiction NDLR), plutôt orienté SF, et ils avaient décidé de sortir un numéro spécial Rock. Pour cette parution spécifique j’ai proposé une BD de 4 pages : Ricky banlieue et ses riverains, qui narrait les tribulations de potes musiciens dont Lucien le guitariste et Ricky le chanteur sont les héros.
Lucien, avec sa banane, était alors un p’tit gros rigolo et sympathique et il est rapidement devenu mon personnage central. Les lecteurs l’ont vite adopté. J’aime raconter des histoires vécues alors je m’étais inspiré de gens que je connaissais autour de moi comme Gillou, mon frère, et Ricky, mon meilleur pote, à l’époque.
Ce devait être un one shot mais j’ai eu envie de les reprendre de temps en temps…Jean-Pierre Dionnet, rédac ’Chef de Métal Hurlant, a donné son accord, le personnage était lancé.

LRA
Le dernier opus de Lucien est paru en 2011 (« La bande à Lucien » aux Editions Fluide Glacial), va-t-il revenir ?

FM
Oui, il reviendra sans doute après le Tome 3 de  Je veux une Harley  avec Marc (Marc Cuadrado, le scénariste. NDLR). 

LRA
Tes bandes-dessinées tournent souvent autour du thème du Rock, des blousons noirs et de la banlieue, tu n’as jamais eu envie de sortir de cet univers ?

FM
J’ai créé il y a quelques années les histoires de Momo, un coursier reubeu qui roule en scooter et écoute du rap. C’était plus contemporain, moins vintage que les histoires de Lucien mais toujours sur fond de banlieue (Trois albums parus aux Editions Albin Michel entre 2002 et 2005). Il y a eu également  la BD sur Shirley et Dino qui est un peu différente, beaucoup moins Rock’n’roll, en tout cas. Depuis, Lucien est revenu plus âgé, il a pris du bide et la banane a blanchi parce qu’aujourd’hui j’ai du mal à me projeter dans un jeune de 20 ans, j’avais envie de parler de paternité, de problèmes de quinquas.

LRA
Est-ce que tu possèdes une voiture ?

FM
Quand mon fils est né, j’ai acheté un monospace Peugeot 806. Maintenant qu’il est grand je m’en sers très peu, parfois, en retirant les sièges, pour trimbaler mes motos de Trial. Mais je roule quotidiennement sur une vieille BMW.

LRA                                                                                                                                                                              Tu parlais de Je veux une Harley avec Marc Cuadrado au scénario, tu peux nous en dire plus ?

FM
Oui, pour reprendre un peu l’histoire de Je veux une Harley, il faut savoir que Marc est également dessinateur mais il souhaitait se mettre plus à l’écriture qu’au dessin avec  Je veux une Harley, il cherchait donc un dessinateur et c’est par l’intermédiaire de Thierry Tinlot (ex Rédacteur en Chef du magazine Fluide Glacial) que nous avons été mis en contact. Son scénario m’a plu et j’ai dit Banco !
Devant le carton enregistré par le Tome 1 et à la demande des lecteurs, nous avons décidé de sortir un Tome 2 en Septembre dernier, puis un Tome 3 qui devrait arriver dans les bacs en Septembre 2014.

LRA
Pour l’écriture de ce 3e numéro, vous avez décidé de vous immerger dans un road-trip, et faire des repérages en traversant les  States sur la mythique 66 Road, comment vous avez vécu ce périple ?

FM
On aime parler de ce qu’on connaît. Pour le Tome 3 Marc voulait raconter le rêve de tout biker qui se respecte, c'est-à-dire faire un voyage dans le grand Ouest sauvage américain… C’est donc ce que nous avons fait. Nous nous sommes retrouvés, par le biais d’un tour opérator, (USA moto riders pour ne pas le nommer), avec un groupe de huit français, 6 venaient d’Annecy et 2 autres du Pays Basque. Nous sommes allés chez un concessionnaire de Los Angeles choisir une Harley, (une Electra Glide), et on est parti pour un périple de 10 jours.… Monument Valley, le Grand Canyon, Zyon, Brice Canyon, Las-Vegas et Los Angeles. Marc notait les anecdotes, moi je prenais les photos.

LRA
Dans les années 80, un fabricant de lessive proposait à une ménagère d’échanger son baril contre 2 autres d’une marque différente. Est-ce que tu serais prêt à échanger ta vieille BMW contre 2 Harley-Davidson ?

FM
Oui bien sûr !!! (rires) Ce serait absurde de refuser deux belles bécanes à 20 000€ contre ma BM, même si je l’adore. Mais tu vois, lorsqu’on se baladait cet été, Marc (Cuadrado NDLR) et moi, à moto sur les petites routes du sud de la France et qu’on s’arrêtait sur une place de village, les gens allaient plus facilement vers ma vieille Bmw (R100 Série 7 de 1979 lookée Rat) que vers sa superbe Road King. Comme quoi les vieux clous attirent davantage la curiosité, voire la sympathie.

LRA
Frank, nous sommes sur le Salon de la Moto, que penses-tu des motos et voitures modernes ?

FM
Le cahier des charges est le même pour chaque constructeur et toutes les voitures se ressemblent un peu. Je me rappelle que, quand j’étais gamin, je m’amusais avec mon frère à compter les Peugeot, les Citroën ou les Renault, et on les différenciait facilement de loin. Aujourd’hui, tant que t’as pas vu le logo d’une voiture, tu ne sais pas de quelle marque elle est. Je pense que c’est aussi marqué pour les motos modernes, qui sont trop uniformes. Cela dit, depuis quelques temps on revient à des formes plus inspirées des origines de la marque et ça va dans le bon sens. Moi j’aime bien les motos anciennes, celles qui m’ont fait vibrer dans ma jeunesse, aux formes rondes et épurées, les phares ronds, sans  plastique ni carénage, c’est pour ça que j’ai eu un coup de cœur pour la BMW R Nine-T. Cette bécane est une belle réussite, sobre, moderne et rétro en même temps, elle représente l’essence même de la moto. Ducati avait ouvert cette la voie avec la Mostro, la Nine-T c’est un peu la Mostro teutonne !

LRA
Quels sont tes projets en dehors du tome 3 de Je veux une Harley ?

FM
Je travaille sur une adaptation pour le cinéma du Tome 9 de la saga Lucien : Toujours la banane. C’est le prolongement logique pour qui aime raconter des histoires, une expérience très excitante mais aussi très frustrante par le nombre de problèmes qui viennent ralentir la bonne marche du projet. Faire une BD c’est vraiment très simple à côté !

LRA
Dernière question : Frank Margerin et le Rock’n’roll c’est fini ou est-ce qu’on peut te revoir sur scène ? (Frank faisait partie du groupe « Dennis Twist » qui sévissait à la fin des années 80, classé 10e du Top 50 avec le titre Tu dis que tu l’M).

FM
Ce n’est pas dans mes projets. Dennis Twist c’était au départ des copains dessinateurs qui montent un groupe pour jouer à Angoulême, le reste a été un concours de circonstances favorables et beaucoup de chance, on s’est bien amusé mais notre vraie passion reste la BD.

Je veux une Harley de Frank Margerin et Marc Cuadrado Tome 2 aux Editions Dargaud - 11.99€.