Tout commença par un moteur…
Si dans la conception d’une voiture moderne, les concepteurs doivent s’accommoder d’un cahier des charges très restrictif, ici,
Ferdinand Piëch partit de son idée de moteur à
18 cylindres constitué de trois rangées de cylindres
VR6, disposées les unes par rapport aux autres à 60 degrés. Le moteur de 6,24 litres développait 555 chevaux et servait de moteur atmosphérique. On parle bien d'une révolution dans le monde de la mécanique.
… se poursuivit par une marque.
Ce qui manquait a ce monstre mécanique était une marque capable de porter fièrement cette machinerie. Et cela tombait bien, puisque quelques mois avant d’avoir son idée,
Ferdinand Piëch, alors chef du groupe
Volkswagen, était à la recherche d'une marque exclusive avec un passé glorieux.
Il envisageait Bentley et Rolls-Royce, les deux étant sous la même direction à Crewe depuis 1931. Il lui fallait une marque qui ne soit pas seulement le symbole de la puissance, mais aussi de l'innovation technique, du design et du luxe.
Quand en 1998, pendant ses vacances de Pâques à Majorque, Piëch apprend que BMW va acquérir les droits pour ces deux marques lors d’une vente aux enchères, c’est grâce à son fils Gregor, insistant pour que son père lui achète un modèle jouet d’une
Bugatti Type 57 SC Atlantic dans un magasin de souvenirs, que lui vient l’idée salvatrice. «
Quel amusant signe du destin », écrira Piëch plus tard dans son autobiographie.
Piëch achète pour lui-même une deuxième petite
Atlantic. Lors de la première réunion du comité de direction après Pâques, il la présente à Jens Neumann, à l’époque directeur du groupe en stratégie, trésorerie, droit et organisation, en lui demandant de vérifier les droits de la marque française et dans le meilleur des cas, de l’acquérir.
En 1998, Piëch saute sur l'occasion après de brèves négociations et s'assure d'obtenir les droits de la marque
Bugatti, étant en vente. Depuis 1987, ils appartiennent à l'importateur d’automobiles italien Romano Artioli. Près de Modène, à Campogalliano, Artioli avait construit une usine innovante et a présenté le 15 septembre 1991, à
l’occasion du 110e anniversaire d'Ettore Bugatti, l'
EB 110. Elle deviendra la supersportive de la décennie et marquera la seconde ère de
Bugatti. Mais le marché des supersportives s'effondre, la demande diminue, et en 1995 l'usine ferme. Toutefois, le mythe Bugatti ne s'endort pas pour longtemps.
La Veyron passe de 18 à 16
C'est en octobre 1998, au
Mondial de l'automobile de Paris, que la nouvelle marque présente pour la première fois ce coupé de luxe avec un moteur avant de 6,25 litres spécialement créé. C'est une voiture que l'on conduit soi-même, avec une transmission intégrale permanente, un châssis à structure spatiale en aluminium et un essieu multi-bras précis. Son créateur
Giugiaro n'a pas dessiné une voiture rétro, il a élégamment modernisé le modèle de Jean Bugatti. Le milieu des spécialistes est impressionné.
Septembre 2000, on voit enfin la première
Bugatti EB 16·4 Veyron presque de série au
Salon de l’Automobile de Paris. Ici, les chiffres changent, mais pas la nomenclature. Les numéros indiquent toujours l'origine des études de conception et le nombre de cylindres. Au lieu d'utiliser un 18 cylindres, les ingénieurs passent à un moteur 16 cylindres, encore plus compact qu'un moteur en V classique et donc plus léger.
Deux moteurs V8 sont emboités l'un dans l'autre à un angle de 90 degrés et les rangées de cylindres sont séparées de chaque unité V8 par un angle de 15 degrés. Cette disposition permet d'obtenir une configuration en W qui fait gagner de la place, et les courses de piston des
quatre rangées de cylindres agissent sur un seul vilebrequin - d'où le nom de moteur W16. En outre, le moteur permet une cylindrée de plus de sept litres et l'ajout de turbocompresseurs. Avec les quatre turbocompresseurs, l'ancienne propulsion avait renoncé aux turbos, les performances sont suffisamment élevées : il devra y avoir plus de 1000 ch, la force est propulsée en permanence sur les quatre roues – pour atteindre une vitesse de plus de 400 km/h.
En 2001,
Bugatti fait savoir que la décision de la construction en série limitée de la
Bugatti Veyron est définitive. L'hypersportive doit puiser 1001 ch et 1250 Newton-mètres dans un moteur 16 cylindres de 8,0 litres. Inspiré de l'idée du 18 cylindres, le moteur 16 cylindres apparaît, composé de deux moteurs VR8 imbriqués l'un dans l'autre. Contrairement au 18 cylindres, conçu comme moteur atmosphérique, celui-ci dispose pour la première fois de quatre turbocompresseurs.
Le nom et la disposition de base de la propulsion sont désormais définis et les ingénieurs se mettent au travail, pour développer une version stable du moteur puissant. À part l'énorme puissance, une accélération de 0 à 100 km/h en 2,5 secondes et une vitesse de plus de 406 km/h font partie des exigences.
Pourquoi une vitesse aussi élevée ?
L'ingénieur
Ferdinand Piëch a élaboré dans les années 1960 la légendaire Porsche 917, puis au début des années 1970 un moteur 16 cylindres pour la Porsche 917 PA, mais qui, après les tests au centre de développement Porsche à Weissach, n'a jamais été utilisé dans une course. La 917 a remporté pour la première fois pour Porsche, il y a presque 50 ans, la course des 24 heures du Mans avec un moteur V12 – avec une vitesse de pointe de 406 km/h sur la ligne droite des Hunaudières. Dans tous les cas, la
Veyron doit être plus rapide. Et elle le sera, comme on le découvrira peu après.
« La Veyron a catapulté Bugatti dans une nouvelle dimension, qui n'avait jamais existé avant », déclare Stephan Winkelmann. « Avec l'hypersportive, la renaissance de la marque a rejoint l'esprit d'
Ettore Bugatti. Il a fait de l'ingénierie un art. Dans tout ce qu'il faisait, il s'efforçait d'atteindre la plus haute perfection. »