Le concept n’est pas banal : révéler une voiture sur la plateforme d’un géant du streaming, telle une série B que l’on recommande entre deux gorgées de café. Les protagonistes s’appellent Luca de Meo (CEO de Renault Group), Fabrice Cambolive (CEO de la marque Renault) et Gilles Vidal (VP Design Renault). Le trio visite le centre de design de la marque, s’arrête devant la Renault 5 Turbo 3E, et Luca de Meo lâche finalement le morceau : « Elle arrive bientôt en série. » Il ne manquait plus que le klaxon et la petite pancarte « Applaudissez » pour guider la réaction du public. Quarante-quatre ans après l’apparition de la première Renault 5 Turbo, voici donc sa nouvelle descendante, version électrique, attendue comme le fameux dessert au menu d’un repas un peu trop long.
Le documentaire, qui se veut une plongée dans les recoins sombres de la crise qu’a traversée l’entreprise en 2020, met en scène une transformation industrielle. On y cause stratégie, restructuration, réinvention. Un mot qui fleure bon la sueur froide du cadre supérieur qui joue l’avenir de sa boîte. On y suit des personnages, des ingénieurs, des designers, des managers, des pilotes, bref, toute la petite famille Renault aux prises avec des contraintes bien réelles : disparition programmée s’ils ne trouvent pas un moyen de redresser la barre. Ce contexte rappelle les savonnages hasardeux de certains constructeurs dans l’histoire de l’automobile. Sauf que là, les caméras tournent, les micros enregistrent, et, entre deux confidences sur la difficulté de pondre une citadine électrique rentable, on passe mine de rien un coup d’œil sur la future Renault 5 Turbo 3E. Le message semble clair : « Regardez, on ne chôme pas. Même si la cocotte a failli exploser, on a encore de quoi vous surprendre. »Cette méthode de dévoilement n’est pas commune. Pas de salon international avec des hôtesses engoncées dans des tenues peu pratiques, pas de grand show pyrotechnique. Non, juste un plan discret, glissé dans un épisode, comme si la voiture n’était qu’un accessoire de plus dans la mise en scène. Le marketing déguisé en documentaire : la manœuvre a de quoi étonner, mais après tout, pourquoi pas. L’objectif est sans doute de montrer que cette Renault 5 Turbo 3E s’insère dans un grand récit, dans une dynamique de reconquête. Un clin d’œil aux années 80, une époque où les petites bombes tricolores s’engageaient sur les spéciales de rallye sans demander la permission à un ordinateur de bord. Ici, la Renault 5 Turbo 3E reprend les codes esthétiques de l’ancienne : larges ailes, apparence massive, teintes rappelant les heures glorieuses des débuts. Sauf que cette fois, le carburant ne sent pas, ne fuit pas, ne se déverse pas. C’est de l’électrique pur jus, branché, silencieux, mais censé reproduire le sentiment de conduire une machine forgée pour la route, pas pour se pavaner en centre-ville. Côté technique, la Renault 5 Turbo 3E promet une architecture à propulsion, ce qui n’est pas juste un détail pour les amateurs de trajectoires arrière-trainage sur bitume. On parle de deux moteurs électriques, logés dans les roues arrière, pas de compromis sur la répartition, et une puissance cumulée dépassant les 500 chevaux. Les chiffres peuvent sembler généreux, mais l’intérêt est surtout de voir comment ces kilowatts seront exploités. On murmure un 0 à 100 km/h en environ 3 secondes, ce qui renverra peut-être les mauvaises langues à leurs préjugés sur les électriques un peu mollassonnes. Le châssis devrait faire appel à une structure en carbone, histoire de réduire la masse tout en assurant une rigidité propre aux engins développés pour s’inscrire dans les virages comme un chat sur un tapis neuf. L’ancienne R5 Turbo, dans ses versions de rallye, n’était pas vraiment un monstre de raffinement, mais elle avait ce caractère sec, brut, qui a marqué les mémoires. La version 3E, de par sa nature électrique, laisse planer l’interrogation : saura-t-elle conserver un peu de ce tempérament, ou ne sera-t-elle qu’un clin d’œil visuel déconnecté de toute la sauvagerie mécanique d’antan ? Le documentaire « Anatomie d’un come-back », quant à lui, n’est pas seulement une vitrine pour ce nouveau modèle. Il raconte comment la marque a remonté la pente après une crise qu’on qualifiera, sans emphase, de sévère. L’année 2020 a fait danser les constructeurs sur un fil, et certains ont failli se gameller. Renault a donc dégainé un plan baptisé « Renaulution », tout en ouvrant ses bureaux, ses ateliers, ses paddocks, ses coulisses, ses couloirs, comme pour convaincre le public qu’il y a derrière la marque des gens, des idées, des compromis, des décisions pas toujours évidentes. Entre la nouvelle R5 destinée à ressusciter un certain attrait pour les petites citadines françaises, la présence du groupe en Formule 1 via Alpine, et l’arrivée surprise de cette R5 Turbo 3E, on devine une stratégie moins spectaculaire qu’astucieuse, jouant sur la fibre nostalgique, la performance électrique, et la communication infiltrée au cœur des contenus audiovisuels.
La Renault 5 Turbo 3E devrait se montrer plus en détail en 2025, avec des « activations exclusives » (on sent déjà le service marketing s’agiter derrière un rideau) qui permettront d’examiner de plus près ce qui ne reste, pour l’instant, qu’un concept à peine dévoilé. Sa carrosserie en carbone, ses deux moteurs, son architecture à propulsion, sa prise de recharge cachée dans une écope arrière comme un clin d’œil à la trappe à essence d’un temps révolu, tout cela attire l’attention. Reste à savoir si le résultat final évoquera réellement l’esprit de la lignée « Turbo ». Les amateurs de la génération précédente, ceux qui se souviennent des glissades, des coups de volant rageurs, du turbo à retard et de la sonorité rauque, scruteront ce modèle électrique avec un scepticisme certain. Peut-on vraiment transposer l’ADN d’une icône des années 80 dans un contexte où la prise murale a remplacé la pompe à essence ? Ainsi, entre nostalgie et présent aseptisé, la Renault 5 Turbo 3E tente son numéro d’équilibriste. La marque l’affirme : c’est une future voiture de série, pas un délire d’ingénieur en mal de sensations. Le documentaire, lui, montre juste un aperçu, comme un chasseur se contenterait d’une silhouette au loin avant de décider s’il passera à l’action. Tout le monde attend, bras croisés, que Renault sorte enfin son disque dur rempli de fiches techniques pour mettre fin aux conjectures. En attendant, le spectateur a pu brièvement contempler ce qui, sur le papier, ressemble à une tentative de faire revivre un certain patrimoine sur le champ de bataille électrique. Reste à savoir si la Renault 5 Turbo 3E, lorsqu’elle posera officiellement ses roues sur le bitume, fera lever autre chose que des sourcils.
2021 44902 km Automatique Essence
2022 20047 km Manuelle Essence