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Shell Eco-marathon : les Nations unies de l'écologie

Il y a comme une ambiance de Fous du volant sur le circuit Paul Armagnac de Nogaro : de nombreux bolides aux couleurs pétantes, aux formes originales, d'autres prototypes faisant même penser à la caisse de Pierre de Beau-Fixe. Nous ne sommes pas devant un rassemblement de cosplayeurs fans de l'univers Hanna-Barbera, mais au Shell Eco-marathon, une compétition internationale réunissant des étudiants en école d'ingénieur. Ces passionnés de mécanique venus des quatre coins de l'Europe sont réunis sur le circuit Nogaro pour remporter le prix Shell Eco-marathon et se qualifier pour la prochaine édition qui aura lieu en Inde.

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Il y a tous les éléments d'une vraie course automobile. Ainsi, Shell a transformé un petit événement français qui date de 1985, où déjà à l'époque l'objectif était : « Avec 1 litre d'essence, combien de kilomètres pouvez-vous parcourir au maximum ? » Trente-huit ans après, le concept est toujours le même, mais en accord avec son temps avec l'introduction de cette nouvelle phrase : « avec 1 kW/h, combien de kilomètres ? » De plus, cet événement s'est professionnalisé puis globalisé et se déroule aussi aux États-Unis, à Indianapolis.

À une différence près : ici, l'ambiance est bon esprit et estudiantine. Tout le monde pique-nique le midi en tablées avec des sandwichs faits maison, à la bonne franquette, et les nuits en mode camping avec pour certains malchanceux, dont les Danois du team Roadrunners, l'option matelas lit à eau, à cause de la tempête et de l'orage qui a transpercé leur tente. Les concurrents sont pour la plupart étudiants en école d'ingénieur, même si ce projet ne s'inscrit pas vraiment dans leur cadre d'étude, et ils sont tous accompagnés par un ou deux professeurs.

Certains sont encore lycéens, comme ces élèves en première générale au lycée Niépce-Balleure de Chalon-sur-Saône. Angelina Clair et Axelle Erauw, des pilotes sans permis, viennent défendre les couleurs de leur établissement. Le team manager, c'est Éric Iannece, leur enseignant en sciences de l'ingénieur. Une passion, non rémunérée et ne faisant pas partie d'un devoir ou d'une matière, réunit depuis de nombreuses années ces amateurs d'automobile. Chacun dans l'équipe du team Niépce a participé à la modélisation de « Titi », une petite voiture de 12 ans, dont le châssis a été coupé et rallongé, dessiné et conçu par leurs soins. Équipée d'un moteur 1,5 kW, entièrement rebobiné par un ingénieur de D'Issy Motor qui a souhaité apporter son soutien à ces lycéens.


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Une batterie lithium-fer-phosphate de 15 Ah, qui se recharge en 7 heures, pour une autonomie de 100 km et un 0 à 42 km/h en 10 secondes. « C'est celle qui accélère le plus vite », ironise Angelina, qui conduit cette auto bourguignonne bleue aux motifs de fleurs de lys, escargots et grappes de raisin dans la catégorie Urban concept.

Le cahier des charges doit être « comme une voiture de tous les jours », nous explique Angelina. Ainsi, elle doit être équipée « de phares, de clignotants, de warnings, d'un klaxon et d'un frein à main ». Le but est de consommer le moins possible en roue libre.

Angelina n'envisage pas spécialement de faire une école d'ingénieur mais s'est prise de passion à piloter Titi. Elle avoue secrètement rêver de posséder une Audi R8. Sa pilote-binôme, Axelle, s'est principalement engagée dans ce projet par conviction écologique. Même si les consommations de leur auto sont des plus parcimonieuses, elle trouve encore l'automobile « pas assez écologique » et préfère se déplacer au quotidien avec son cheval, une monture beaucoup plus chaleureuse et affectueuse.

Deux parcours atypiques que leur professeur Éric Iannece approuve, car les « pilotes féminines sont plus régulières que les pilotes masculins, qui veulent mettre la gomme et sont irréguliers ».
Ce défi réunit les élèves et leurs professeurs dans un projet d'écurie entièrement bénévole, où tout le monde est immergé dans les contraintes réelles de l'univers sport auto : ils doivent notamment trouver en amont leurs sponsors et faire de l'ingénierie mécanique, donc ne pas avoir peur de mettre les mains dans le moteur.
Du côté de Shell, il s'agit d'un « challenge pour sensibiliser les étudiants sur les thématiques de consommation et les pousser à la recherche ».

Plus loin, nous tombons nez à nez avec Full Charge Junior, une voiture en fibre de carbone et de verre recouverte d'alvéoles – dont la carrosserie a été entièrement dessinée par le team. Une référence au logo de l'université technique d'Istanbul (ITÜ) et, autre élément qui frappe, le portrait et la signature d'Atatürk sur le côté. Le siège est quasi invisible, intégré au châssis. Elle est dotée d'un moteur sans balais, d'une batterie lithium-polymère de 1 kWh et d'une carte mère entièrement faite maison.
Poids total : 132 kg. « Nous voulions faire la voiture la plus légère possible, être les ingénieurs de toute la mécanique », explique Utku Güvenç, pilote et étudiant en troisième année à l'université technique d'Istanbul. Ce dernier se destine à travailler dans l'industrie aérospatiale où il y a de nombreuses similitudes avec l'automobile, notamment en aérodynamisme.

Ils sont au total 20 étudiants dans cette équipe à s'être mobilisés en parallèle de leurs études. « Cette compétition est un atout de valorisation de notre expérience professionnelle qui est reconnue par les entreprises », argumente Utku.
Petit détail, il ne rentre aucunement dans leur notation finale, et à la fin du marathon, ces étudiants doivent encore passer leurs partiels. Leur professeur Derya Ahmet Kocabas, spécialiste en ingénierie électrique, m'a soufflé que cet engagement sera pris en compte. Nos futurs ingénieurs peuvent se rassurer.

De l'autre côté résonne Gigi D'Agostino, L'Amour toujours, un grand classique de la musique techno qui berce toujours en 2023 nos amis danois, les Roadrunners, de la DTU (Danmarks Tekniske Universitet) qui sont en train de bricoler religieusement Dynamo.
Motor Mads, alias le tuneur de moteurs, et son acolyte Motor Thomas, en doctorat de mécanique sur les e-fuels (électrocarburants ou carburants de synthèse), notamment l'ammoniaque, ont dû démonter tout le moteur et comprendre pourquoi ça marche pas.
Une voiture aux couleurs du Danemark – forcément ! – concourant dans la catégorie Urban concept avec un moteur à combustion éthanol « fait maison » de 42 cc, atteignant la vitesse maximale de 40 km/h, présente Anders Eiersted Molzen, le pilote du team Roadrunners et étudiant en master d'ingénierie robotique. « Cela fait 18 ans que nous participons au Marathon Shell et nous l'avons remporté à 12 reprises. Notre record a été de 501 km avec un litre d'essence », annonce-t-il fièrement. Même si elle n'est absolument pas homologuée pour la route, le pilote danois avoue qu'il la conduirait bien au quotidien : « Elle fait un beau bruit, elle est jolie et c'est une fête quand vous la conduisez, on vous remarque et ça donne le sourire. » Puis, de confession en confession, il se remémore d'une fois où leur team s'est fait arrêté par la police danoise alors qu'ils roulaient avec leur concept-car sur route. « En tant que team, on doit chercher des sponsors et nous sommes allés rendre visite à l'un d'eux avec Dynamo pour les impressionner. Les policiers ont vérifié les papiers, on était en règle, mais comme ils ne connaissaient pas la catégorie exacte du véhicule, ils nous ont laissé repartir. »

« Du sérieux, mais on reste toujours fun. » Jacob Emil Bjerring, un autre étudiant en ingénierie mécanique à l'université technique danoise, essaie de relativiser sur les problèmes qui surviennent souvent en cascade la veille ou le jour des épreuves. « Aujourd'hui, on a fait les premiers essais et quand on a fait l'épreuve, nous sommes tombés en panne. » Quand c'est pas un capteur au niveau de leurs roues, c'est le capteur télémétrique utilisé par les inspecteurs de Shell pour traquer les consommations des équipes qui tombe en panne. 

Puis soudain, « vroom, vroooom, vrooooom ! » Leur bébé qui ne redémarrait plus reprend vie ! On mettra ça sur le compte de mon côté porte-bonheur. Et pour cause, lors de la dernière tentative, les Roadrunners ont remporté pour la 13e fois le Shell Eco-marathon dans la catégorie combustion interne, avec 460 km pour un litre d'essence.


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L'écologie du circuit, une course au ralenti

Le principe de la course est simple : 10 tours à boucler en 38 minutes. Le tout avec la conso la plus mini possible.
Avec un stop imposé à chaque tour à la ligne rouge, qui nécessite un redémarrage des plus doux pour ne pas avoir des ramifications sur la consommation globale. Sinon, ça serait trop facile.

L'occasion pour Shell, en amont du marathon, d'organiser un concours de la voiture autonome qui a été remporté par Szenergy team Hongrie. Et enfin, un championnat régional de celui qui ira le plus loin, au-delà de 6 tours, avec sa meilleure consommation.
Les commissaires sont en poste, les inspecteurs veillent au grain, les contrôles des badges et des accès sont stricts, tout est ultra sécurisé. La course est parfaitement millimétrée et chronométrée par Dataware. On retrouve l'ambiance affairée dans les paddocks, ça bricole, ça finalise, ça bichonne et ça prépare les bolides.

Voici les prototypes avec leur carrosserie carbone et leurs roues colorées des plus design, faisant parfois penser à des kayaks lorsqu'ils sont rangés sous leur housse. On peine à croire qu'un pilote puisse rentrer dedans. Et pourtant, tout est une question de taille.
Le Team Ecomomes, représenté par des troisièmes et quatrièmes technologiques du collège Marcel Doret, de Toulouse, en partenariat avec les étudiants de l'INSA, veille soigneusement autour de son prototype du nom de Mini Watt. Il s'agit de la voiture la plus légère en proto électrique, 24 kg seulement et une vitesse max de 70 km/h. Deux batteries Lipo de 22 V pour une autonomie de 942 km par kilowattheure. Les roulements en céramique des plus fluides permettent une roue libre quasi infinie.
À la question s'ils aimeraient conduire ce prototype au quotidien, certains pointent le manque de confort concernant l'assise, qui est quasiment allongée et des plus étroites. D'autres viennent pointer le fait que la consommation est un avantage notoire. Puis c'est Quentin qui tranchera le débat : « La consommation tourne autour de la stratégie ; or, tu ne vas pas élaborer une stratégie pour aller acheter du pain. »

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Et la concrétisation de cette course est des plus étonnantes. Pas ou presque pas de bruit, car les concurrents s'affrontent à des allures qui feraient presque croire qu'ils sont au ralenti. En effet, qui dit conso mini dit vitesse mini, forcément.
L'on s'attarde sur les looks les plus originaux, les formes aérodynamiques qui rappellent pour une grande majorité les lignes d'un poisson, comme la voiture 612, le TUS Team, de l'université technique de Sofia, qui rappelle Dory dans Nemo. Une allure aux réminiscences de vaisseau des Jetsons flirtant avec celle des autos sans permis, mais à la finition de voiturette de course.
Non loin se trouvent des lycéens du lycée stambouliote de Beşiktaş Sakıp Sabancı Anadolu. Leur team SsDynamicsS Racing, représenté par le capitaine Mustafa Kenan Kaya et son pilote Ahmet Kerem Ekmen, nous présente Sakarya, leur bolide doté d'un moteur de 35 cc pouvant aller jusqu'à 30 km/h. « C'est fascinant de pouvoir piloter un prototype qu'on a entièrement construit », s'enthousiasme Ahmet, qui distribue des paquets de loukoums à tous ceux qui viennent lui rendre visite sur le stand. L'accueil à la turque aura au moins le mérite de faire revenir ce commissaire de piste, qui est revenu demander un paquet pour sa femme qui rêve de goûter les fameux Turkish delights.

Une bonne ambiance, où règnent l'amitié et l'entraide, lors de ce Shell Eco-marathon, qui devient le lieu de convergence de toutes ces nations unies autour d'un même projet : celui du progrès technologique. Roulez jeunesse !

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