Par un mardi matin frisquet, on pourrait s’attendre à ce que les rues de Paris restent calmes. Sauf que, garée devant moi, la dernière Honda Civic Type R dans une livrée bleue chatoyante transforme chaque passant en spectateur médusé. Son aileron gigantesque semble tout droit tiré d’un manga, comme si le designer s’était égaré dans un épisode de “Fast & Fuirons” avant de revenir au bureau avec un plan de bataille : un look explosif qui ne cherche pas à plaire à Mamie, mais plutôt à illustrer la quintessence de la folie automobile.
Tout le monde ou presque s’accorde à dire que cette Civic Type R, millésime 2025, est une référence parmi les tractions avant. Les chiffres de ses records sur circuit parlent d’eux-mêmes, et plusieurs médias en ont déjà fait l’éloge sur piste. Mais aujourd’hui, l’idée n’est pas de savoir si elle revendique un chrono qui pulvérise tout ce qui bouge à Suzuka ou sur la boucle nord du Nürburgring. La question, c’est plutôt : peut-on se servir de ce bolide au quotidien sans craindre le pire ? Peut-elle transporter un couple, un enfant, voire un chien sans risquer l’exclusion sociale à chaque feu rouge ?
C’est le fil rouge de ce reportage. J’ai décidé de prendre la route, pas le circuit. Et pas n’importe quelle route : un trajet de Paris vers le Château Loyd & Spa, en Normandie, dans le Pays de Caux, en évitant soigneusement l’autoroute. Un périple ponctué de petites routes de campagne, de villages endormis, et d’une météo facétieuse saupoudrée de neige résiduelle.
Civic Type R : Sortie d’un manga ?
L’extérieur de cette
Civic Type R rappelle indéniablement un héros de bande dessinée japonaise. Sa teinte bleue n’a rien de banal. Sous les éclairages urbains, on dirait qu’elle scintille comme un personnage secondaire dans un film d’animation, prêt à surgir d’une ruelle pour lancer un défi de
drift. L’aileron gigantesque à l’arrière ne fait pas semblant. Son utilité est pourtant réelle : il cloue la voiture au sol à haute vitesse, mais il est si voyant qu’on pourrait s’attendre à voir surgirligner en lettres capitales un grand
“POW!” ou
“BAM!” sur le coffre.
Le côté tapageur n’est pas qu’une façade. Les jantes, elles aussi, affichent une certaine emphase : larges, peintes en noir profond, elles abritent des freins généreusement dimensionnés. Leur coloris contraste avec le bleu de la carrosserie, comme un trait de feutre noir sur un dessin. Le bouclier avant, aux larges prises d’air, annonce la bête qui sommeille sous le capot. On croirait entendre un bruit de sabre laser quand on l’observe de près.
À l’intérieur, on est presque surpris de retrouver le tableau de bord de la
Civic e:HEV. C’est le même design, plutôt discret, avec des plastiques qui ne font pas “fête foraine”, mais qui inspirent une certaine confiance. Au toucher, ils semblent prêts à résister aux caprices d’un usage intensif. Les ingénieurs ont gardé de vrais boutons : la ventilation, les commandes audio, tout est accessible sans exiger une maîtrise d’écran tactile plus poussée que celle d’un pilote de robot géant.
Le combiné d’instruments numériques est lisible, sans extravagance. On retrouve les informations essentielles : compte-tours, vitesse, modes de conduite, autonomie. L’écran multimédia au centre, lui, répond vite aux commandes. Bien sûr, les systèmes d’aide à la conduite (
ADAS) sont de la partie : régulateur adaptatif, maintien dans la voie, alerte d’angle mort, etc. Tout ce que la modernité automobile sait faire pour nous assister au quotidien.
Là où l’on renoue avec la frénésie, c’est dans les sièges avant. Ils arborent un revêtement en nvbuck rouge, un coloris qui réveille les yeux les plus endormis. On y plonge comme si l’on s’installait dans un cockpit de mecha de science-fiction, le maintien latéral vous enlaçant sans pudeur. À l’arrière, les sièges sont plus sobres, recouverts d’un tissu noir avec des surpiqûres rouges qui rappellent la nature sportive de la voiture. La moquette, elle aussi, est rouge, propageant cet esprit sportif du talon-pointe jusqu’au plancher.
Civic Type R : un 4 cylindres qui rugit comme au cinéma
Cette
Honda Civic Type R renferme un 4 cylindres 2.0 turbo qui, depuis la nuit des temps (automobile), a pris le parti de marier des tours/minute enjoués et une poussée musclée. Concrètement, on retrouve un bloc testé et fiabilisé à maintes reprises, avec un travail sur la culasse et un turbocompresseur dont les turbines ont été recalibrées pour délivrer, sur cette version, une puissance qui se rapproche allègrement des 330 chevaux (le chiffre varie selon les normes et marchés, mais restons dans cette fourchette).
La sonorité est à la fois rauque et feutrée, du moins en mode de conduite standard. En mode
+R (bien nommé), l’échappement se fait plus affirmé. Sous le capot, l’électronique veille à optimiser chaque injection de carburant, chaque souffle d’air, pour maintenir un couple généreux sur une plage d’utilisation large. L’embrayage renforcé encaisse sans broncher, et la boîte de vitesses manuelle à 6 rapports répond instantanément, rappelant ce plaisir d’antan : passer les rapports soi-même, sans filtrage numérique, tout en sentant ce levier en aluminium frémir entre vos doigts.
Qui dit puissance, dit besoin de contrôle.
Honda a opté pour un différentiel autobloquant mécanique, fidèle au poste depuis plusieurs générations. Cet organe régule la répartition de la puissance sur les roues avant pour maximiser la motricité en sortie de virage serré. Les disques de frein, signés par un grand spécialiste de la chose, offrent des dimensions imposantes. À l’avant, ils sont ventilés, mordus par des étriers quatre pistons. À l’arrière, on conserve un système solide, moins démonstratif, mais suffisant pour asseoir la voiture en appui.
Les jantes de 19 ou 20 pouces (selon les configurations) se parent de gommes sport, conçues pour mordre l’asphalte. Les suspensions, à double triangulation à l’avant, réservent une rigidité calibrée pour le circuit. Tout ce bel attirail devrait, en théorie, transformer la
Civic Type R en machine à chronos. Mais nous, ce qui nous intéresse, c’est son comportement dans une utilisation de tous les jours, sur route ouverte, avec des nids-de-poule et quelques dos-d’âne.
Civic Type R : Le road-trip vers le Château
Pour répondre à la question du confort au quotidien, j’ai opté pour un trajet dépaysant. L’objectif : rejoindre la Normandie depuis Paris, éviter l’autoroute (cette coulée monotone) et privilégier la campagne. Au menu : départementales, villages pittoresques, quelques pétarades de tracteurs et une étape au Château Loyd & Spa dans le Pays de Caux. L’idée étant de faire d’une pierre deux coups : jauger la fonctionnalité familiale et le confort sur de longues heures de conduite.
Dès que l’on s’installe au poste de conduite, on remarque un point essentiel : l’espace à bord. Pour une compacte à tendance sportive, la
Civic Type R offre une habitabilité décente, à l’avant comme à l’arrière. Le passager avant a toute la place nécessaire pour s’étirer, et les occupants arrière ne se retrouvent pas condamnés à la torture. Les dossiers sont bien conçus, laissant de la place pour les genoux.
Le coffre, accessible via un hayon, représente un argument solide pour cette voiture. Sa forme permet de charger des bagages sans trop de gymnastique. Un sac de sport, une poussette, voire deux valises moyennes, tout trouve aisément sa place. À ce stade, la Type R se rapproche davantage de la berline compacte que de la sportive radicale, du moins en matière de praticité.
Les premiers kilomètres au départ de la capitale permettent d’apprécier la direction. Elle se révèle directe, mais sans exagération, et renvoie une sensation claire du contact avec le bitume. Ça donne confiance, notamment en ville où l’on doit parfois se faufiler. Attention toutefois à son rayon de braquage : il est plus proche d’un paquebot que d’un kart. Les créneaux dans les ruelles étroites peuvent exiger une ou deux manœuvres supplémentaires.
En quittant Paris par les petites routes, on tombe sur un enchaînement de virages qui dessinent la campagne. Le levier de vitesses est un régal à manipuler. Chaque rétrogradage donne la sensation d’être un pilote amateur de rallye, d’autant que la
Honda Civic Type R dispose d’un système automatique de talon-pointe. Le moteur cale un petit coup de gaz pour aligner les régimes, et on se prend à rouler fenêtre entrouverte pour profiter de ce petit “
vroum” supplémentaire.
Arrivé en fin de journée au Château Loyd & Spa, on se dit que la première étape s’est déroulée sans heurts. Le confort des suspensions est ferme, pas de secret. Sur les revêtements dégradés, on sent que les amortisseurs encaissent les irrégularités, mais ne gomment pas tout. Toutefois, on ne ressort pas en souffrance de la cabine. Côté passagers, les critiques restent mesurées : ça secoue un peu, mais ça passe.
Le lendemain matin, une fine pellicule de neige recouvre la cour. Le thermomètre, lui, fait la grimace. Heureusement, la
Honda Civic Type R n’est pas un dragster qui ne sait que foncer en ligne droite. Avec des pneus adaptés, la motricité reste gérable. Le différentiel autobloquant aide au démarrage, surtout quand on sent le couple vouloir arracher la voiture hors de la cour verglacée. En mode de conduite standard, l’électronique surveille tout ça comme un sensei ninja.
Sur les routes du Pays de Caux, le paysage blanc se reflète dans la peinture bleue du capot, offrant une petite touche féerique. On continue de s’étonner de la facilité de conduite. Malgré l’énorme puissance, la
Civic Type R sait se plier à un rythme paisible. La direction demeure légère en manoeuvres, la boîte reste précise. On oublie presque qu’on a plus de 300 chevaux sous le pied droit.
Sur les routes plus sinueuses du retour, la
Civic Type R se comporte avec un aplomb certain, malgré des conditions hivernales. Les dépassements de camions ? Un jeu d’enfant : on tombe un rapport, on appuie, et ça gicle. L’onde de choc du turbo permet d’expédier toute la cavalerie en un instant. Cette confiance est addictive, même si elle fait grimper la consommation.
D’ailleurs, c’est l’un des seuls points qui ramène à la réalité de la vie quotidienne : la jauge à carburant descend à un rythme inhabituel si on joue trop avec la pédale de droite. Sur un parcours mixte et dynamique, on frôle les 10 L/100 km. En ville, ça peut grimper à 12 L/100 km. Sur autoroute, si on reste calme, on tangente aussi les 10 à 11 L/100.