Électrification des poids lourds en France d'ici 2035 : Enjeux et Stratégies

Le secteur du transport routier, pilier central de l'économie française, est aujourd'hui responsable de 90 % des flux de marchandises et de 7 % des émissions de gaz à effet de serre nationales. Conscients de l'urgence climatique et des objectifs de décarbonation imposés par les autorités, les constructeurs se tournent résolument vers les poids lourds électriques à batterie. Cette technologie, au cœur de la stratégie zéro émission, nécessite un déploiement adapté des infrastructures de recharge, notamment pour soutenir la recharge en itinérance, pierre angulaire de ce virage électrique.

L'étude menée par ces acteurs, et annoncée en septembre 2023, s'appuie sur une modélisation détaillée du réseau routier français, analysant les flux de transport, les points d'arrêt stratégiques pour les poids lourds, et les projections d'électrification du parc à l'horizon 2035. Cinq conclusions majeures émergent de cette analyse, dessinant les contours d'une mobilité lourde décarbonée et d'un aménagement territorial réfléchi pour les prochaines décennies.

Premièrement, l'infrastructure de recharge doit être ambitieuse : 12 200 points de recharge sont nécessaires pour couvrir les besoins des poids lourds en itinérance, répartis sur 519 aires de services et de repos. Ces infrastructures devront offrir des solutions de recharge rapide pour les pauses courtes, et des solutions adaptées aux pauses plus longues, afin de répondre à la diversité des besoins.

Deuxièmement, la puissance nécessaire sur le réseau pour soutenir cette recharge en itinérance pourrait atteindre 1,1 GW au pic, pour une consommation d'énergie de 3,5 TWh/an. Bien que significatifs, ces besoins ne sont pas insurmontables pour le réseau électrique, à condition d'une planification et d'une anticipation rigoureuse des travaux nécessaires.

La mutualisation des infrastructures de recharge apparaît comme une stratégie efficace, révélant une complémentarité marquée entre les besoins de recharge des voitures et des poids lourds, qui n'interviennent pas simultanément. Cette mutualisation permettrait de limiter les investissements nécessaires sur le réseau électrique, tout en optimisant l'utilisation des infrastructures existantes.

Quatrièmement, les investissements sur le réseau électrique, estimés à 630 millions d'euros d'ici à 2035, sont jugés indispensables pour accompagner cette transition. Ces investissements couvriront le renforcement ou la création de nouveaux postes sources, essentiels pour la fiabilité du réseau face à l'accroissement de la demande énergétique.

Enfin, l'étude souligne les enjeux fonciers liés au déploiement des infrastructures de recharge, notamment la réduction potentielle du nombre de places de parking pour poids lourds, qui pourrait entraîner des déficits de foncier à mesure que le parc de poids lourds électriques s'agrandit.

Face à ces constats, l'étude propose trois recommandations clés pour réussir la transition vers une mobilité lourde électrique : établir une planification et une feuille de route claires et contraignantes, instituer des dispositifs réglementaires, administratifs et financiers favorisant l'accélération des travaux et l'optimisation des investissements, et mettre en place des mesures incitatives pour encourager l'investissement privé dans les poids lourds électriques et les infrastructures de recharge.