Les chiffres sont implacables, et pour une fois, ils parlent tout seuls. 1 752 contributions sur 5,6 millions d’habitants concernés. 94 % d’avis défavorables. 0,03 % de participation. On pourrait croire à une vaste blague, un poisson d’avril envoyé avec un peu d’avance, sauf que nous sommes en février. L’automne dernier, la consultation publique lancée par la Métropole du Grand Paris sur l’interdiction des véhicules Crit’Air 3 a révélé une réalité brutale : les Franciliens n’ont soit pas été informés, soit tout simplement ignoré un processus dont le sort semblait déjà scellé. Une consultation publique qui n’a de publique que le nom, et un projet de restriction qui fait l’effet d’un passage en force.
Consultation expresse, résultats sous scellés
Il aura fallu déterrer le document en toute discrétion pour constater l’ampleur du fiasco. Pendant que les automobilistes continuaient leur train-train quotidien, la Métropole du
Grand Paris leur concoctait un régime sec en matière de mobilité. 1,2 million de véhicules concernés par cette interdiction qui entre en vigueur dès janvier 2025, et des conducteurs priés de se réinventer un avenir sur les strapontins du
RER. Le problème, c’est que personne ne les a prévenus.
Les 26 jours de consultation entre le 19 septembre et le 14 octobre 2024 n’ont pas déclenché la moindre vague de mobilisation, faute d’information. Pourtant, 300 000 euros de budget étaient prévus pour cette démarche citoyenne. Peut-être ont-ils été investis dans un micro-site caché au fond d’un onglet perdu, ou dans quelques tweets envoyés à l’heure où la France dormait. Car à voir le taux de participation, il semble que les Franciliens aient découvert cette consultation une fois terminée.
Un plébiscite à l’envers
Si l’on ne peut pas accuser la Métropole de Grand Paris de ne pas avoir posé la question, on peut en revanche s’interroger sur la volonté de communiquer les résultats. Car un tel naufrage ne pouvait que rester sous silence. Là où on aurait pu espérer un débat citoyen riche et argumenté, on a assisté à un flop magistral. 94 % des participants se sont opposés à la ZFE, tandis que seuls 2 % ont manifesté un enthousiasme poli, probablement pour voir ce que donnerait une ville sans voitures, avant de réaliser qu’ils devraient eux aussi prendre le bus.
Les réactions exprimées dans le rapport sont pourtant limpides : impact social disproportionné, absence d’alternatives crédibles, transports en commun déjà saturés et aides financières insuffisantes pour remplacer un véhicule. Les arguments ne manquent pas, mais ils sont qualifiés de "non-représentatifs" par la Métropole. Drôle d’ironie, quand on se souvient que la Mairie de Paris a jugé très "représentatif" le vote de 5,7 % des électeurs pour valider la taxation des SUV.
L’omerta comme mode de gestion
Depuis la fin de cette consultation, l’information autour de la
ZFE semble s'être évaporée. Aucune campagne de sensibilisation digne de ce nom, aucun débat ouvert dans les médias, rien. Il aura fallu que des associations militantes comme la Ligue de Défense des Conducteurs remontent au créneau pour que la synthèse voie enfin le jour. Une transparence à géométrie variable, qui laisse un goût amer à ceux qui, en janvier prochain, se verront contraints de troquer leur voiture contre un abonnement Navigo.
Cerise sur le capot : la verbalisation arrivera en 2026, avec des amendes de 68 euros pour les contrevenants. Une mesure qui risque de "sensibiliser" plus efficacement que la communication de la Métropole. Peut-être qu’une fois qu’ils recevront leurs premiers PV, les automobilistes prendront enfin la parole. Mais cette fois, ce ne sera plus pour donner leur avis : ce sera pour payer.