La courbe se profile. Devant moi, une légende. Derrière moi, une autre légende. Et en dessous, quelque chose qui pourrait peut-être devenir une légende. J'en suis là, en plein rallye nostalgique concocté par la maison Lancia, qui, pour bien fêter l’arrivée de sa nouvelle Ypsilon, m'a fait remonter le temps. Un retour vers le passé en trois actes, comme une tragédie italienne, à ceci près que cette tragédie-là ne tourne pas mal. En tout cas, pas encore.
Lancia Fulvia Rallye - Le début des grandes manœuvres
Mon premier pas dans l'arène fut avec la
Lancia Fulvia, une voiture qu’on pourrait qualifier de frêle, tout en sachant qu’elle est aussi solide qu’une déclaration d’amour en italien. La
Fulvia, petite berline qui cache bien son jeu sous ses lignes classiques, est la première vraie championne de la marque. Avec son petit moteur V4 de 1,6 litre, elle n’impressionne pas par ses chiffres, mais sa légèreté – environ 950 kg sur la balance – et sa traction avant la transforment en une boule d’agilité.
En 1972, elle a fait ce que personne n’attendait : gagner. Et pas une petite victoire discrète, non, elle a remporté le
Championnat International des Marques, détrônant au passage quelques modèles bien plus gros et musclés. Ce fut le premier signe que
Lancia n’était pas là pour faire de la figuration. Le petit moteur grogne, le volant me transmet chaque détail du revêtement, et j'ai presque l’impression de redevenir un vrai pilote – ou du moins, d’essayer. En la quittant, je laisse échapper un soupir. Oui, cette Fulvia est le premier chapitre d’un récit héroïque.
Lancia Stratos – Une icône, et quelle icône…
Passons au plat de résistance. La
Stratos, la vraie. Pas un dessin animé, pas une légende urbaine : elle est là, en chair, en tôle et en
V6 Dino de 2,4 litres. Le genre de voiture qui vous jette un regard avant même que vous n'osiez poser le vôtre. Conçue pour le rallye, purement, sans compromis, la Stratos est aussi audacieuse qu'une confidence murmurée dans un café italien. Le châssis est aussi court que le souffle qu'elle me coupe dès que j’appuie sur l’accélérateur.
Sous le capot, le
V6 Ferrari ronronne, mais ce n'est pas un ronron de chat ; c'est un rugissement de lion, puissant et profond, qui vous fait comprendre que vous n’êtes pas le bienvenu. Chaque virage devient une leçon de pilotage. Le volant, large et dur, se bat dans mes mains comme un animal sauvage, et chaque courbe semble vouloir m’avaler tout entier. La
Stratos n'est pas une voiture, c'est une expérience. Une machine à provoquer des sueurs froides et des sourires en coin. Quand elle glisse, elle me rappelle pourquoi on aime l'automobile : pour cette sensation brute et sans filtre.
Lancia Stratos de route – Une furie assagie ?
On pourrait croire qu’avec la
Stratos de route, Lancia ait tenté de domestiquer la bête. Détrompez-vous. Si la version route est un tantinet plus docile, elle n’en reste pas moins capricieuse. Avec ses lignes acérées, son pare-brise qui vous donne l’impression d’être dans une bulle, la
Stratos de route n’a rien d’une voiture ordinaire. On sent encore ce cœur sauvage prêt à bondir à la moindre occasion.
Sur le papier, on pourrait croire que la
Stratos domestiquée est une Stratos édulcorée, mais au volant, l’illusion ne dure pas. On s'accroche à cette machine comme un cowboy accroché à un taureau. Il ne s’agit pas de la piloter mais de la contenir, de l’apprivoiser, tout en sachant qu’elle pourrait à tout moment vous rappeler qui commande. Cette voiture ne se laisse pas amadouer facilement, mais elle sait vous récompenser, avec ce parfum d'interdit et d'adrénaline que seul un vrai bolide italien peut offrir. Si la Fulvia est un préambule, la Stratos est l’apothéose.
Retour vers le futur – La Lancia Ypsilon Rally 4 HF
Après ce plongeon dans l’âge d’or de
Lancia, me voilà face à l’avenir – ou du moins, ce qui s’en approche. La
nouvelle Ypsilon Rally 4 HF. Elle est compacte, trapue, prête à bondir. Le moteur ? Un
3 cylindres 1,2 litre turbo développant 212 chevaux. Moins qu'une
Stratos, me direz-vous, mais ici, il ne s'agit plus d'une question de pur muscle, mais de légèreté, de précision, et de tenue de route. L’époque des monstres est révolue, place aux machines de précision.
Dès que je m’assois au volant, la différence se fait sentir. Le volant est léger, maniable, tout semble répondre au doigt et à l’œil, presque comme une danse. La traction avant, qui donnait tant de caractère à la
Fulvia, fait ici aussi son grand retour. Mais là où la Fulvia demandait un peu de diplomatie pour être apprivoisée, la Ypsilon est plus civilisée. Elle est directe, vive, et le moindre mouvement de mon pied droit se traduit instantanément par une réponse du moteur.
Sur un parcours de rallye moderne, elle pourrait bien avoir sa place. La boîte manuelle à 5 rapports, le différentiel mécanique à glissement limité, et ces amortisseurs réglables donnent un ensemble homogène, à défaut d’être aussi passionné que ses illustres aînées. Je me surprends à sourire en enchaînant les virages, mais ce n'est plus le même sourire de terreur admirative qu’avec la
Stratos ; ici, on parle d’efficacité. Tout est fait pour que le conducteur se sente au centre du jeu, dans une voiture optimisée pour les courses modernes. C’est rassurant. Mais peut-être un peu trop.
Conclusion:
Peut-elle un jour devenir une légende ?
Alors voilà la question : cette
Ypsilon Rally 4 HF a-t-elle ce qu’il faut pour devenir la prochaine grande héroïne de
Lancia ? La réponse est délicate. Elle est efficace, assurément. Elle est amusante, sans aucun doute. Elle est rapide, légère, précise. Mais a-t-elle ce supplément d’âme qui fait d'une voiture un mythe ? Le frisson du danger, le rugissement sourd du V6, la folie des
Stratos et
Fulvia, tout cela manque ici. L’époque n'est plus la même, certes, et les normes ont changé. Aujourd'hui, tout est encadré, millimétré, optimisé.
Mais au fond, peut-être que la
Ypsilon Rally 4 HF ouvre une autre voie, une voie faite de fiabilité et d’efficacité. Ce n’est pas une Stratos, et ce n’est pas une Fulvia. C’est une Ypsilon. Une nouvelle ère, une nouvelle idée de ce que pourrait être
Lancia. Alors oui, elle est différente. Mais qui sait ? Peut-être qu’un jour, dans quelques années, nous nous rappellerons de cette petite
Ypsilon comme d’un début.
Un début de quelque chose de grand. Ou peut-être pas. Le temps seul le dira.
Performance