Stellantis, groupe tentaculaire né de l’union improbable entre PSA et FCA, a annoncé aujourd’hui, d’une plume feutrée mais lourde de sous-entendus, la démission immédiate de son emblématique directeur général, Carlos Tavares. Celui que l’on surnommait dans les couloirs feutrés de l’industrie l’“architecte des redressements” quitte son poste à la tête d’un mastodonte à 14 marques, laissant le monde automobile, et probablement quelques actionnaires, bouche bée.
Une sortie de piste bien calibrée ?
Selon le communiqué officiel, la décision résulte d’une divergence stratégique entre Tavares et le Conseil d’administration. Ou, pour traduire en langage courant, entre un homme qui avait la réputation de ne jamais reculer devant un choix impopulaire et un aréopage d’actionnaires qui, manifestement, avaient d’autres idées en tête pour l’avenir de Stellantis. Ce désaccord n’a pas traîné : après quelques “points de vue différents” surgis récemment, la rupture a été actée dans une élégance toute corporate.
Le communiqué insiste toutefois sur les remerciements appuyés de John Elkann, président du Conseil et héritier de l’empire Agnelli, qui salue un “service dévoué” et rappelle que Carlos Tavares fut l’artisan de l’intégration réussie de PSA et FCA. Traduction : tout allait bien… jusqu’à ce que ça ne soit plus le cas.
Stellantis, un vaisseau sans capitaine ?
Pendant que le monde de l’automobile digère cette nouvelle, Stellantis cherche déjà son nouveau timonier. Mais, comme dans toute bonne tragédie shakespearienne, l’intérim est confié à un comité exécutif temporaire présidé par John Elkann lui-même. Si vous vous demandez à quoi ressemble une gouvernance par comité, imaginez un bateau dont chaque rameur a une boussole différente. L’objectif ? Trouver un successeur permanent d’ici le premier semestre 2025. L’intérim promet d’être long, mais Elkann se veut rassurant : la stratégie reste inchangée et les objectifs financiers annoncés fin octobre sont confirmés.
En clair, les actionnaires ne paniquent pas. Ou du moins, ils tentent de le faire croire. Car derrière les formules policées, difficile de ne pas se demander quel impact ce chamboulement aura sur une entreprise qui, entre fusions et acquisitions, jongle déjà avec suffisamment de défis pour remplir un agenda XXL.
Carlos Tavares : l’homme, la méthode, le départ
Difficile de parler de Carlos Tavares sans évoquer son style de management, aussi rigoureux qu’une boîte manuelle allemande. L’homme avait fait ses preuves chez Renault avant de prendre les rênes de PSA en 2014, transformant un constructeur en perdition en un champion de la rentabilité. Avec Opel, il récidive : en trois ans, l’Allemand moribond redevient rentable. Enfin, la création de Stellantis, mariage forcé entre le pragmatisme français et l’hédonisme italien, lui permet d’étendre son empire.
Pour autant, ce bilan flatteur ne s’est pas fait sans heurts. Tavares, admiré pour son efficacité, était aussi critiqué pour sa gestion centrée sur les coûts. Son obsession pour la réduction des dépenses, bien que redoutablement efficace, n’a pas toujours fait l’unanimité, notamment chez les syndicats ou les partenaires commerciaux.
Mais alors, pourquoi ce départ soudain ? Officiellement, il s’agit de visions divergentes. Officieusement, certains évoquent une incompatibilité croissante avec Elkann, dont la vision à long terme s’orienterait davantage vers l’innovation et l’électrification rapide, là où Tavares aurait prôné une approche plus mesurée et rentable.
Un avenir incertain pour Stellantis
Stellantis traverse une période charnière. Entre la pression réglementaire européenne pour réduire les émissions, la montée des constructeurs chinois et l’électrification massive, le groupe joue sa survie sur plusieurs fronts. Le départ de Tavares, figure centrale de cette transformation, laisse planer une question : qui, parmi les dirigeants de l’automobile actuelle, serait capable de prendre sa relève ? Les noms circulent, mais personne, pour l’instant, ne semble avoir la carrure pour diriger un groupe aussi hétéroclite.
Par ailleurs, l’absence de leadership clair pourrait semer le doute auprès des investisseurs. Certes, Elkann et son comité tenteront de maintenir le cap, mais sans une figure forte, difficile de rassurer un marché automobile qui n’a jamais été aussi volatile.
Conclusion:
Alors, que retenir de ce coup de théâtre ?
Carlos Tavares, homme de chiffres et de décisions tranchées, quitte Stellantis sur fond de désaccord. Derrière les remerciements de façade, le départ laisse un vide à la tête d’un groupe tentaculaire dont l’avenir dépendra, plus que jamais, de la capacité de ses dirigeants à choisir un successeur qui saura concilier ambitions économiques, technologiques et écologiques.
Et, entre nous, on espère que le prochain CEO aura une passion aussi brûlante pour les voitures que pour les tableurs Excel. Parce qu’un groupe qui s’appelle Stellantis mérite au moins un leader qui sait qu’un embrayage, ce n’est pas qu’un truc qu’on fait avec les actionnaires.
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