Au milieu des chevaux, les pros de l’occasion
Passées les premières effluves de café industriel et les poignées de main musclées (rituel de reconnaissance entre concessionnaires aguerris), l’ambiance des EMVO 2025 se révélait festive, presque euphorique. Il faut dire que rassembler plus de 1 200 professionnels de la voiture d’occasion dans un temple équestre, c’est comme organiser un salon de la haute horlogerie dans une casse : insolite, mais bigrement efficace.
L’organisation, huilée comme un moteur après vidange, portait la griffe du Journal de l’Automobile. Et derrière la mécanique, le chef d’orchestre :
Gredy Raffin, maître de cérémonie, chef de rubrique et probablement détenteur d’un master ès gestion d’événements VO sans que cela soit officiellement reconnu par l’Éducation nationale.
Les exposants ? Un florilège. Entre les stands qui flairaient bon le cuir synthétique et les kakémonos tendus comme des cordes vocales de vendeur du samedi, on croisait les piliers du marché : AHB Solutions, VPN Autos, Nextlane, et quelques nouveaux venus dont les noms évoquaient tantôt une startup, tantôt une enseigne de VTC.
Certains distribuaient des stylos, d'autres des cartes de visite, et les plus téméraires, des mini-croissants sous plastique. Tout ce beau monde rivalisait d’ingéniosité pour attirer l’attention, sauf que, cette année, les regards étaient souvent happés… par les écrans. Des
démos. Des
vidéos. Des
IA. Des outils qui, visiblement, allaient rendre la vente de VO aussi simple que possible.
Mais à ce moment précis, la magie opérait encore. Le salon respirait la passion, la reprise et la grande illusion de croire que l’occasion n’a jamais été aussi neuve. Et c’est là que j’ai glissé, non sans mal, dans le flot des workshops…
Dans les tréfonds des workshops, l’IA sort du garage
C’est en me frayant un chemin entre le stand de La Centrale et une démonstration à reconnaissance optique, que je suis tombé sur Steer AI. Littéralement. Je n’ai pas vu la valise noire posée au sol, car j’étais trop occupé à lire un écran m’expliquant que, désormais, on pouvait inspecter un véhicule d’occasion sans lever le capot ni ouvrir le hayon. Le tout grâce à un
boîtier OBD et une plateforme SaaS.
Bienvenue dans le
diagnostic 3.0. Fini le temps où le vendeur mettait un coup de clé dans le démarreur et écoutait « à l’oreille » si le turbo allait bien. Avec Steer AI, on branche un boîtier sur la prise
OBD2, on fait quelques manipulations élémentaires — type mettre le contact sans réveiller le moteur — et le système balance une analyse complète du véhicule en 15 minutes. Niveau précision ? Moins de 5 % d’écart constaté, selon les premiers retours. Ce qui est déjà mieux que la marge d’erreur d’un vendeur en fin de mois.
Le tout est interprété par une plateforme en ligne, sécurisée, qui génère un rapport clair, lisible, et potentiellement utile à tous ceux qui veulent vendre du VO avec un minimum de transparence et un maximum de marges.
Le tarif est à la hauteur des promesses : 2 500 € de mise en place, puis 299 € par mois pour exploiter la bête. Un peu plus qu’un abonnement Netflix, mais beaucoup moins qu’un litige avec un client qui découvre que le voyant moteur n’est pas qu’une déco.
Ciblée pour les concessionnaires,
Steer AI ne cherche pas à remplacer le technicien. Elle veut simplement que ce dernier ne passe plus 45 minutes à vérifier que le frein à main ne grippe pas. C’est donc une IA d’assistance, pas de substitution. Et c’est peut-être là que réside toute son intelligence.
À l’échelle du salon, cette solution avait ce petit côté «
boîte noire » qui attire l’œil… et la data. Et entre deux démonstrations, les regards se croisaient entre professionnels avec cette moue typique qui dit : «
Avoue, tu pensais pas que ce serait aussi utile. »
C’est dans une salle tamisée, bercée par une climatisation hésitante et des PowerPoint enthousiastes, que j’ai basculé. Au départ, je pensais assister à un énième atelier sur «
comment vendre une Volkswagen ID.5 à quelqu’un qui voulait une Tesla », mais non. Ce workshop-là allait me faire comprendre une chose simple : l’intelligence artificielle ne rêve plus de devenir humaine. Elle veut vendre des voitures, créer des vidéos, répondre au téléphone… et elle le fait déjà.
Chez
Nextlane, on ne fait pas de poésie, on fait de l’automatisation. La firme, désormais bien connue pour ses solutions logicielles dédiées aux concessionnaires, a sorti de son sac à malices une nouveauté qui sent bon la rupture de stock : la création automatique de vidéos pour les annonces VO. Oui, vous avez bien lu. Vous mettez trois photos et demi d’une Mercedes Classe A, et hop, en moins de temps qu’il n’en faut pour expliquer à un client que "non, le GPS n’est pas connecté", une vidéo pro, animée, personnalisée, est générée.
Résultat : le VO gagne en visibilité, en clics, en taux de conversion. Et surtout, ça évite au vendeur de mobiliser son stagiaire pour faire du montage sur Movie Maker. Bonus non négligeable : tout est intégré dans leur écosystème
DMS. Et pour une fois,
DMS ne veut pas dire «
Donne-Moi du Stress ».
C’est en sortant de la présentation
Nextlane, le cerveau encore fumant d’algorithmes et de storytelling automatisé, que mon neurone gauche a activé un souvenir bien réel :
Sandra AI. La startup au nom doux comme une secrétaire de sitcom des années 90, mais au cerveau plus vif que FASH dans son costume rouge . Si vous ne la connaissez pas encore, c’est probablement que vous ne travaillez pas en atelier.
J’avais déjà croisé
Sandra dans une autre vie, ou plutôt dans une autre
concession —
Ford Guez, pour être précis. Là-bas, j’étais venu pour écrire un papier (lire ici :
Concessionnaires, vous perdez des appels atelier ? Faites comme eux, adoptez Sandra AI) et j’étais reparti avec une certitude : les appels perdus, c’est fini.
Sandra s’en occupe.
Cette intelligence artificielle, développée par trois cerveaux sortis d’écoles où l’on apprend à coder avant d’apprendre à lire, gère l’intégralité du standard téléphonique de l’atelier, 24h/24, 7j/7. Elle comprend les demandes, propose des rendez-vous, s’adapte à chaque client grâce à une
intégration aux logiciels de l'atelier, reconnaît les numéros, les VIN, et peut probablement dire si le client a pris un café avant d’appeler.
Chez
Ford Guez, le taux de prise de rendez-vous avait explosé, pendant que celui de stress du personnel fondait comme un glaçon sur le capot d’un diesel au soleil. L’impact est simple : moins de clients perdus, plus de satisfaction, et une gestion des flux qui évoque (oserais-je ?) le
Toyotisme, mais version service client 3.0.
Ce n’est plus de la fiction. C’est une révolution de process, en plein cœur des concessions. Et pour une fois, elle ne passe pas par une charte graphique ou une peinture deux tons, mais par une logique de travail où chaque action est rationalisée, priorisée et suivie par une IA qui ne prend jamais de RTT.
Des trophées et des costards
Ah, les
Grands Prix des EMVO. Ce moment sacré où le rideau se lève, les projecteurs clignotent (façon LED d’ambulance), et les gagnants s’avancent sous les applaudissements d’un parterre de décideurs au badge bien en vue. Rien à dire, l’organisation était millimétrée : Gredy Raffin et son équipe savaient où placer les micros, et surtout quand servir le cocktail pour éviter les fuites stratégiques vers la sortie.
Mais attention, ici pas de César du meilleur drame ou de Palme d’Or du véhicule le plus rincé. Non. Ici, on parle de stratégie BtoB, de remarketing VO et d’e-réputation. C’est autre chose qu’un scénario Netflix.
Dans la catégorie Animation Réseau, c’est
Toyota France qui a raflé la mise. Mention spéciale à
Tiago Pinto, dont l’animation a été jugée plus efficace qu’un tuto YouTube pour poser une dashcam.
Côté
Stratégie BtoB, le trophée est allé chez
OVEO, avec
Stanislas Peycelon aux manettes. Une victoire méritée pour un acteur qui connaît le BtoB comme sa boîte à fusibles : par cœur, mais toujours prêt à être reconfiguré.
Le
Remarketing VO a, quant à lui, vu un bel ex-aequo.
Caudebec Automobiles by
Myauto.fr, représenté par
Valentin Grain, et le
Groupe Autosphere /
Groupe Emil Frey France, emmené par
Marc Leturcq, se sont partagé la coupe, façon foot à l’ancienne. Preuve qu’en 2025, même le
remarketing peut encore créer du suspens.
Et enfin, l’
E-réputation, ce Graal numérique que tous les groupes veulent afficher sur leurs plaquettes PowerPoint, est revenu à Renault Chennevières-sur-Marne, du Groupe Maurin, porté par Carlos Da Costa et Michael Mendes. Leur secret ? Répondre aux avis Google avant même qu’ils ne soient publiés, et probablement offrir le café avec le bon de commande.
Bref, des prix utiles, stratégiques et porteurs de sens, dans un secteur qui cherche à réconcilier performance commerciale et expérience client sans y perdre ses marges ni ses nerfs.