À époque formidable, voitures formidables : alors que les hybrides poussent comme des champignons, le spécialiste de l’électrification arrive avec une sportive à la recette d’une autre époque : la Toyota GR Yaris, que nous essayons sur circuit dans sa version Track.
Les nostalgiques s’accordent à dire que « c’était mieux avant ». Soit. Or, avec un regard un peu plus précis, on s’aperçoit très rapidement que nous vivons une époque automobile formidable. D’un côté, les constructeurs mettent les doigts dans la prise et enchaînent les nouveautés électriques. Et quoi qu’en disent les détracteurs, les moteurs alimentés par une batterie ouvrent sur un champ de possibilités techniques. Mais surtout, l’automobile n’aura jamais autant fait parler d’elle que depuis le récent avènement de la voiture électrique, qui inaugure semaine après semaine les technologies de demain.
De l’autre côté, la voiture thermique vit ses dernières heures avant une retraite quasi définitive en 2040. La voiture sportive sera, elle, sacrifiée bien avant sur l’autel des normes environnementales. Mais certains constructeurs, débarrassés de contraintes commerciales avec un pied dans les voitures de demain, lancent des sportives comme des artificiers au moment du bouquet final. Une époque automobile formidable.
Et la toute dernière Toyota GR Yaris est la parfaite représentante de cette période qu’on ne reverra plus dans les années futures : non seulement produite par un constructeur schizophrène, précurseur s’il en est des technologies électrifiées, la bombinette est, commençons par la conclusion, tout aussi exceptionnelle que cette époque au point d'en faire un collector avant même son retrait du marché. Et pour cause : sa formule est relativement inédite dans le paysage des petites sportives et s’inspire très généreusement de la philosophie du monde des rallyes. Et plus précisément de celui du Championnat du monde des rallyes pour laquelle, chemin inverse, elle a été développée par le département sportif et compétition de la marque, Gazoo Racing. Ce n’est sans doute pas un hasard si l’acronyme GR est désormais placé avant le nom du modèle, contrairement à la précédente Yaris GRMN (pour Gazoo Racing Master of Nürburgring), évocation civile non sans intérêt de la Yaris engagée en WRC.
Si la forme est très généralement dictée par la fonction en matière de design, celle de la GR Yaris est aussi conditionnée par le règlement FIA : car pour pouvoir lui installer une transmission intégrale, Toyota n’a eu d’autre choix que de transformer la gentille Yaris qui sert de base. Un peu trop même, notamment avec sa carrosserie trois portes qui diffère de la version civile et vertueuse. Résultat des courses, aucune pièce n’est partagée avec la Yaris conventionnelle, à l’exception des optiques et des rétroviseurs.
Pour entrer dans les cases du règlement, la marque japonaise a donc été contrainte de lancer une production en série de ce modèle spécifique. Mais oubliez désormais le célèbre Made in France cher à Toyota puisque cette GR Yaris est fabriquée directement au Japon, dans l’usine de Motomachi qui a notamment donné naissance à l’exceptionnel Lexus LF-A. Autrement dit : la Yaris qui en ressort n’a plus rien à voir avec la gentille citadine hybride que nous connaissons. Et pourtant, cette GR Yaris reste attachée à l’hybridation. Mais celle-ci se porte désormais sur la plateforme : pour accueillir sa nouvelle transmission, la Yaris ajoute à sa base TNGA-B un bout de la TNGA-C de… Toyota C-HR.
Malgré ses ambitions inspirées par le monde des rallyes, la Toyota GR Yaris est disponible en version Premium tout confort ou en déclinaison Track, qui apporte quelques améliorations mécaniques nécessaires, pour limer plus efficacement l’asphalte des circuits. La formule est la même pour cette sportive au développement unique, mais elle reçoit entre autres améliorations techniques et esthétiques, deux différentiels Torsen et des jantes à 10 branches (au lieu de 15) plus légères. Elle se passe aussi de tout ce qui n’est plus nécessaire sur circuit, à l’image des radars de stationnement, du système audio premium JBL ou de l’affichage tête haute.
Le but étant de se concentrer sur l’essentiel afin de mettre à contribution le plus efficacement possible les 261 ch pour 360 Nm de couple du valeureux 3 cylindres turbo 1,6 l. Un choix étonnant, tant en termes de « prestige » que de sonorité. Mais cette mécanique, qui n’est autre que le « 3 pattes » le plus puissant du monde, ne manque pas d’arguments sur circuit. Car s’il sonne comme une petite citadine prudente avec ses consommations, ce moteur turbo aime les tours, avec une plage d’utilisation comprise entre 3 000 et 6 500 tr/min. Ça tombe bien, nous sommes sur circuit.
Plutôt creux à bas régime, le moteur ne se montre plus paresseux dès que le roulement à billes du turbo fait son office. Si la puissance est haut perchée à un régime de 6 500 tr/min (même s’il reste la possibilité d’explorer encore 500 tr/min de plus), la GR Yaris préfère évoluer sur la fourchette du couple maximal, compris entre 3 000 et 4 000 tr/min sur la fiche technique, mais reste toujours costaud jusqu’à 5 500-6 000 tr/min.
Ces envolées sont dirigées par une commande de boîte taillée pour le sport et idéalement étagée. Mais si elle se montre agréable à manipuler dans la plupart des situations, son guidage est parfois perfectible alors qu’on pourrait réclamer à peine plus de consistance dans ses verrouillages. C’est notamment le cas lorsqu’il s’agit d’enclencher la troisième à la montée ou la descente, qui ne se fait pas du premier coup quand on roule avec le couteau entre les dents et, sans surprise, fait grincer celles des pignons.
Pour faciliter la vie des "pilotes", Toyota a installé le système i-MT, qui effectue tout seul le talon-pointe au rétrogradage. Mais le système accuse toujours un coup de retard, avec une remise des gaz en fin de débattement et non pas en entrée de grille, comme ça peut être le cas sur une Honda Civic Type R (qui, au passage, aurait eu tellement de sens avec une transmission intégrale). Quand on décompose lentement, ça peut passer, mais dans le feu de l'action, on a fini de rétrograder avant que le moteur remonte à son régime optimal. S’en remettre à la méthode « manuelle », avec les pieds, est alors plus indiqué. Encore faut-il trouver une bonne position de conduite : avec l’assise bien trop haute, le genou droit se frotte à l’imposante colonne de direction en cas de talon-pointe. Il faut donc désaxer sa position, en remontant le volant, ce qui peut perturber certaines habitudes. Mais dans tous les cas, l'assise semble trop haute de 10 cm et la course de la pédale trop longue de 5 cm.
Après un passage au stand pour trouver la bonne position de conduite, ou la moins pire selon son seuil de tolérance, on se surprend à vraiment hausser le rythme et explorer encore plus tout le potentiel de cette bombinette à l’ancienne. Et c’est notamment vrai avec sa conception unique, les seuls modes de conduite Normal, Sport ou Track jouant sur la répartition du couple de la transmission intégrale.
Assurée par un embrayage multidisque, elle transmet le couple selon des ratios avant/arrière de 60/40 (Normal), 30/70 (Sport) ou 50/50 (Track), en faisant varier la pression sur les disques du coupleur, et donc en faisant patiner ces derniers. La direction, l’amortissement ou la réponse à l’accélérateur n’évoluent pas, quel que soit le mode. Une philosophie d’un autre temps, l’époque actuelle étant davantage portée sur la démultiplication des modes de conduite, comme sur une BMW M4 par exemple. Le comportement de la Toyota GR Yaris sera donc toujours le même sur le bitume, avec un train avant accrocheur et une poupe plus mobile au lever de pied ou au freinage, comme à la grande époque des petites GTI. Il n’y a qu’à la réaccélération que les différences se feront ressentir selon le mode de répartition retenu. C’est vrai sur le sec, mais ça l’est d’autant plus sur chaussée humide, où le mode Sport permet d’entretenir la glisse des quatre roues, initiée en attaque du virage jusqu’en sortie.
Et ce malgré la présence des pneus Michelin Pilot Sport 4S ventousés au sol, que la Yaris n’hésite pas à grignoter rapidement sur circuit cependant. S’ils sont cohérents avec le mode Track, ils le sont moins en mode Sport, selon où l’on place le curseur entre propreté du pilotage et conduite avec les neurones rangées dans la boîte à gants. Les Dunlop SP Sport Maxx de la version Premium, reconnus comme moins rigoureux en adhérence latérale, pourraient se montrer plus adaptés pour un usage récréatif.
Avec des frontières bien délimitées entre chaque mode, Toyota a réussi l’exploit de proposer plusieurs voitures dans un format compact, tout en se concentrant sur un développement unique. Sur piste, c’est le mode Track (merci, Captain Obvious) qui se montrera le plus efficace avec sa répartition égale du couple afin d’exploiter toutes les capacités de la GR Yaris sur le circuit de la Ferté Gaucher.
Mais osons l’avouer : si elle se montre particulièrement redoutable, la citadine sportive s’ennuie vite sur ce genre de tracé, où elle s’apparente surtout à une sportive-école. Ce qu’elle préfère, c’est l’exigence de circuits plus techniques et au relief plus marqué, comme le sacro-saint Nürburgring. Mais ce qu’elle adore le plus, ce sont les spéciales ouvertes au public, pardon, les routes. Et plus précisément les petites routes, pour lesquelles elle a été développée initialement, où sa capacité à plier le bitume et fendre la poussière est mise en lumière.
Ça sera la seconde étape de notre essai de la plus formidable des sportives de ces dernières années. Mais pour nous assurer qu’elle ne trompe pas son monde, nous lui avons réservé une confrontation routière avec l’une de ses devancières, qui n’a rien perdu de sa superbe.
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