Rolls-Royce Spectre Black Badge : le courant passe, et pas qu’un peu

C’est un peu comme si quelqu’un avait trouvé le moyen d’alimenter la grande horloge de Big Ben avec une dynamo de vélo, tout en faisant rouler la chose à plus de 200 km/h sur un circuit enneigé. On exagère à peine : la nouvelle Rolls-Royce Spectre Black Badge, version « tout-noir-avec-des-reflets-quand-même », arrive pour illustrer que les compromissions, c’est pour les autres. Ici, on préfère faire passer le concept de « surplus de puissance » pour du simple jus de fruits. De quoi amuser les amateurs de chiffres, les amateurs de tôle épaisse et, accessoirement, les amateurs de discrétion… ou pas.

Quand la stat' s'emballe :  1075 Nm de couple

Commençons par ce qui occupe les comptables et les ingénieurs : 485 kW, soit environ 659 ch, le tout soigneusement emballé sous une robe coupé à l’allure imposante. Vous soupçonniez un surplus de couple ? Vous n’êtes pas au bout de vos surprises : 1075 Nm. Notez qu’on se situe là sur un plateau qui rendrait jaloux certains camions. Mais puisque nous sommes en présence d’une Rolls-Royce, il faut reconnaître que l’excès de couple n’est pas là pour arracher des souches d’arbres dans un champ détrempé. Il sert plutôt à vous propulser dans une quiétude silencieuse, façon tapis volant, avec un décor feutré et des finitions en métal poli qui ne craignent manifestement pas les menues griffures des bagues en diamant.

Pour passer de l’arrêt complet à 60 mph (soit 96,5 km/h), cette Spectre Black Badge a besoin d’environ 4,1 secondes. Sachant qu’une Twingo (mais on ne compare rien, évidemment) se situe plutôt dans les 14 secondes sur le même exercice, l’écart ne laisse pas indifférent. En clair, si vous oubliez vos courses au supermarché, vous pourrez faire demi-tour en deux temps trois mouvements, histoire de revenir chercher les œufs manquants avant qu’ils ne passent de mode.

Au-delà de ces chiffres, Rolls-Royce a mis en avant une démarche originale : puiser dans l’anonymat statistique des conducteurs de la marque. En gros, certains propriétaires ont consenti à révéler leurs petits secrets de conduite (accélérations violentes, freinages brusques, usage occasionnel de la voie de gauche sans complexe), afin de peaufiner le comportement de ce grand coupé électrique.

Les ingénieurs sont donc allés fouiller des centaines de milliers de kilomètres de données – certainement enregistrées dans un coin d’usine placé sous haute surveillance – pour en conclure que les conducteurs de Black Badge aiment bien écraser la pédale, mais pas trop longtemps, juste assez pour dire « Ce n’est pas parce que je suis assis dans un salon roulant que je vais me laisser doubler par un motard pressé ». Ainsi est né un équilibre entre un agrément général (on reste quand même sur un porte-drapeau de luxe) et de courtes décharges d’adrénaline pour rappeler que les lois de la physique aiment parfois se faire bousculer.

Modes « Infinity » et « Spirited »

Souvenez-vous, à l’époque où un certain moteur Merlin sortait des usines Rolls-Royce pour équiper quelques avions de chasse, il existait une commande spéciale permettant aux pilotes d’obtenir un surcroît de puissance pour semer le voisin, ou simplement pour éviter de se faire percer la carlingue. Sur la Spectre Black Badge, on reprend cette idée, sauf que cette fois, le concept s’appelle Infinity Mode, accessible via un bouton en forme de symbole ∞, directement sur le volant.

Appuyer dessus réveille aussitôt toute la cavalerie, soit la pleine puissance de 485 kW, avec une réponse à l’accélérateur plus franche. Pour compléter le tableau, les compteurs changent d’ambiance visuelle et s’illuminent comme une discothèque façon années 1990 (on y reviendra en parlant de la fameuse couleur Vapour Violet).

Puis vient Spirited Mode. On vous voit venir : encore un nom anglais, certainement pour impressionner le voisinage. La réalité est plus pragmatique : pour déclencher cette fonction, il faut appuyer à fond sur la pédale de frein et celle de l’accélérateur en même temps (sorte de chorégraphie pour pieds agiles), attendre une confirmation haptique et visuelle, puis relâcher le frein. À ce moment précis, le couple monte en flèche, atteignant les fameux 1075 Nm, tout cela pour expédier les 2,5 tonnes (approximatives) en un 0-60 mph de 4,1 secondes. Recommandé pour semer la procrastination, mais pas forcément conseillé dans un bouchon urbain entre deux bus RATP.

Rolls-Royce a bien conscience qu’autant de couple et de puissance ne doit pas se traduire par un tangage de paquebot quand on attaque un virage. La marque a donc ajusté la direction, en la rendant plus consistante, et a raffermi la suspension pour limiter le roulis. On reste néanmoins loin d’un coupé sport rugueux. Ici, le but est plutôt d’obtenir une stabilité rassurante, un comportement serein qui absorbe les inégalités comme si les routes françaises n’étaient pas en plein gruyère. Si vous vous attendiez à un mode « circuit » avec des claquements de ressorts, vous pouvez repasser : la philosophie Rolls reste centrée sur le confort, mais on sent qu’un petit effort a été consenti pour que l’ensemble se montre plus participatif, surtout si l’envie vous prend de négocier un rond-point autrement que sur un filet de gaz pépère.

On pourrait croire qu’une marque aussi respectable se contenterait de révéler son modèle électrique d’exception en bonne et due forme. Que nenni : apparemment, certains clients influents ont demandé accès à la Spectre Black Badge avant son annonce officielle, pour faire l’intéressant dans un cercle fermé, ou peut-être simplement pour se démarquer de la confrérie. Rolls-Royce aurait consenti à livrer quelques exemplaires préalables, sous réserve de discrétion absolue – façon agent secret – afin de vérifier leur appréciation. Les retours furent favorables, paraît-il, sans doute parce qu’on imagine mal un propriétaire dire « c’est raté » alors qu’il vient de signer un chèque à plus de six chiffres.

Allure sombre, mais pas sinistre

Côté couleur, la Black Badge Spectre adopte un nouveau ton baptisé Vapour Violet. On pourrait dire que c’est un violet-noir, un brin rétro, évoquant le meilleur des néons qu’on croisait autrefois dans les boîtes de nuit. Il y a également ce capot Iced Black, appliqué en finition mate contrastée, qui donne à la voiture un caractère aussi imposant qu’un paquebot amarré la nuit. Évidemment, si vous avez la fibre artistique, Rolls-Royce vous laissera choisir parmi 44 000 couleurs déjà prêtes, ou vous concocter une teinte juste pour vous, à condition de venir avec un chèque (ou un RIB) suffisamment épais.

Parmi les autres coquetteries disponibles, notons la possibilité de placer un trait de peinture sur la partie basse de la carrosserie, un « waft » coachline qui accentue la ligne de caisse inférieure. Tout cela sous-entend qu’on peut s’amuser un peu avec les courbes imposantes du coupé. Et comme la fantaisie ne s’arrête pas là, on découvre de nouvelles jantes de 23 pouces, en aluminium forgé, avec un design à cinq branches. Le tout pouvant être décliné en finition intégralement noire ou partiellement polie.

La célèbre calandre Pantheon (faut bien lui donner un petit nom mythologique) se voit assombrie, tout comme l’emblématique Spirit of Ecstasy, les poignées de porte et le cerclage des vitres. L’idée est de créer un ensemble homogène, presque discret, si l’on peut qualifier ainsi un coupé de plus de 5,4 m de long. Même le double « R » se pare d’un revêtement plus sombre, histoire d’annoncer la couleur aux rares passants qui oseraient ne pas reconnaître la forme générale de la calandre.

L’éclairage derrière la grille peut désormais arborer plusieurs nuances (Tailored Purple, Charles Blue, Chartreuse, Forge Yellow ou Turchese), pour faire écho à l’intérieur, histoire de dire aux insectes et aux badauds : « Regardez, je suis cohérent dans mon délire coloré ».


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De la marqueterie intergalactique

Si vous espériez un simple cuir noir, vous sous-estimez peut-être l’envie de Rolls-Royce d’en faire toujours un peu plus sur la mise en scène. La Black Badge Spectre propose une finition en Technical Fibre, mélange de carbone et de fil métallique tissé dans un motif en losange, posé sur un placage de bois noir (Bolivar). Le tout est recouvert de plusieurs couches de laque, évidemment lustrées à la main, comme un violon haut de gamme qui a quitté son orchestre symphonique pour se reconvertir dans la décoration automobile.

On retrouve sur la planche de bord un Infinity symbol rétroéclairé, niché dans une constellation de plus de 5000 « étoiles » lumineuses aux intensités variées. Un effet « ciel étoilé » qu’on connaissait déjà, mais cette fois, il joue avec ce motif ∞ typique de la série Black Badge. C’est un peu comme si la marque voulait suggérer qu’il n’y a pas de limite, ni au bon goût, ni au budget des clients (ce qui est sans doute proche de la réalité).

Bien sûr, chacun peut configurer la couleur des compteurs digitaux, avec des palettes appelées Vivid Grellow, Neon Nights, Cyan Fire, Ultraviolet et Synth Wave. On croirait presque des noms de thèmes pour un DJ ou un jeu vidéo futuriste. L’idée est de synchroniser ces choix de couleurs avec le système d’infodivertissement SPIRIT, qui permet aussi de surveiller l’autonomie, le temps de charge, ainsi que de rejoindre la communauté très fermée de Whispers, un club virtuel où se croisent (peut-être) des discussions sur la meilleure façon de sabler le champagne pendant que la voiture roule, ou comment demander un ravitaillement en caviar dans un héliport à Dubaï.

Sur la route : tapis volant, mais motivé

Le concept du « Magic Carpet Ride », cher à Rolls-Royce, subsiste. Les irrégularités de la chaussée se font encore discrètes, grâce à des amortisseurs intelligents qui adaptent la fermeté en fonction du profil de la route. Mais la direction plus lourde et les renforts anti-roulis plus prononcés procurent une sensation (toute relative) de contrôle supplémentaire. Cela ne fera pas de vous un pilote de rallye, mais vous aurez moins l’impression de naviguer sur un lac, surtout quand vous déciderez de déposer un SUV pressé sur une accélération franche.

Au quotidien, la Spectre Black Badge devrait faire le même effet qu’une suite royale d’hôtel : on profite d’un silence feutré, avec pour seule perturbation le léger grognement électrique quand vous sollicitez la puissance. L’autonomie n’a pas été mise au premier plan dans la communication, mais soyons honnêtes, ce n’est pas vraiment le sujet de ce genre d’engin. On suppose que le propriétaire moyen de ce véhicule a de quoi recharger dans sa demeure, son yacht ou même la station de la NASA s’il le faut.

Conclusion:

La Rolls-Royce Spectre Black Badge n’est ni une citadine de poche, ni un modèle de sobriété budgétaire. Mais elle prend place comme une expression quelque peu électrique d’un savoir-faire qui ne sait pas faire dans la demi-mesure. Elle vise une clientèle qui n’a pas froid aux yeux et s’autorise quelques fantaisies, tout en préservant un certain standing. On pourrait reprocher à la voiture un excès de codes ostentatoires, mais ce serait passer à côté de la philosophie de la gamme Black Badge, qui aime l’esthétique sombre et la surenchère technique, le tout pour rappeler qu’il n’y a pas d’âge pour claquer des portières hors de prix en chaussons de soie.

Entre le couple gargantuesque, les modes de conduite calibrés pour les accros à l’adrénaline ponctuelle, et une présentation qui fleure bon la personnalisation démesurée, ce coupé électrique taille sa route dans la lignée des Rolls-Royce à moteur thermique les plus musclées. Les amateurs y verront la continuité d’une tradition de confort royal, relevée d’un petit grain d’insouciance. Les sceptiques hausseront les épaules en soulignant que la débauche de puissance semble de trop. Mais au final, cette Spectre Black Badge est là pour rappeler qu’on a toujours le droit d’appuyer très fort sur un bouton ∞, ne serait-ce que pour le plaisir de sentir l’électricité nous propulser avec toute la délicatesse d’un coup de poing dans un coussin en soie.

Quant à la concurrence, elle peut continuer à s’agiter : Rolls-Royce n’est pas près de renoncer à son image de « salon roulant » qui se fait parfois plaisir avec son propre côté obscur. En toute discrétion, évidemment. Ou pas.

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